Il y a ce pote que tu côtoies pendant des années, que tu trouves agréable, sympa, dont tu apprécies la compagnie, et dont tu penses un beau jour pouvoir le compter au nombre de tes amis.
Ce n'est que bien plus tard, alors que les aléas de la vie t'en ont séparé, que tu te rends compte en voyant une photo, en entendant une évocation, que tu as zappé le type comme un disque du mois des Inrocks.
Un tel oubli te perturbes, tu te souviens de tant de bons moments passés. Forcément, une si profonde amnésie te questionne. Les raisons sont sans doute multiples, mais un truc, maintenant, te semble clair. Votre relation tenait surement sur une série de petits malentendus.
Entre autre sur sa façon très intelligente de ne rien dire.
Sinon, il y avait ce Bertrand qui m'avait vaguement intrigué en me causant de bordels. Le fond était un peu confus, mais le type maitrisait nettement sa syntaxe. C'est quand il a commencé à me brancher sur la mode que j'ai senti que ça partait gentiment en barquette surgelée n'ayant pas respecté la chaine du froid.
Et puis là, en fin de soirée, je sais pas, il devait être plein comme un polonais un soir de paie, il s'est embarqué dans un truc sans queue ni tête, boursouflé et incohérent, ça évoquait vaguement et avec beaucoup de prétention un gloubiboulga indigeste mixant l'aire du temps, de vagues relents de critiques du consumérisme et une grosse louche de terrorisme (très) mal digitalisée. C'était très bizarre.
On aurait dit un journaliste de BFM TV écrivant un papier dans le style Houellebecq. Dedans il y avait des vigiles de 14 ans, des gamins de 10 ans capables de s'introduire dans un ministère avec une bombe, d'autres pas foutus de s'adresser à l'accueil d'un hôtel. Ça tournait en rond, beaucoup, d'abord dans les rues de Paris et après dans un magasin.
C'est quand j'ai réalisé que même sa façon d'en parler était particulièrement naze, plate et convenue, que toute l'inanité du discours est devenue insupportable.
Un jour, Bertrand Bonnello cessera de faire des films, et ce n'est sans doute qu'à ce moment-là qu'on se rendra compte à quel point il ne manque pas au cinéma français.