Nocturama est un film qui suit les péripéties d'un groupe de jeunes parisiens qui décident de s'en prendre à des structures de pouvoir par une série d'attentat. Sorti dans le mauvais contexte, cette oeuvre crépusculaire n'a pas trouvé tout l'appui qu'elle aurait mérité. Et pourtant, dieu sait si ce film était nécessaire. Je ne dis pas bon même si ce film l'est incontestablement, je dis bien nécessaire.
Avant de parler du film, il convient d'avoir en tête l'influence principale de Bonello : Glamorama, de Bret Easton Ellis, auquel le titre fait clairement référence. Glamorama, comme d'autres oeuvres d'Ellis, est une critique acerbe de la culture yuppie, c'est à dire des jeunes cadres des métropoles travaillant dans le secteur tertiaire. C'est également l'illustration de l'échec du rêve américain. Les thématiques qu'aborde Bonello et certains effets de style semblent appuyer cette inspiration, à l'image de la surabondance des marques dans Nocturama, un effet déjà employé dans Glamorama.
Nocturama est une oeuvre plus cryptique qu'elle n'y parait. Bonello manie le symbole avec une certaine maestria au point d'être parfois nébuleux. Je pense notamment à la scène où le personnage incarné par McCraven (Mika) voit une salamandre lorsqu'il est caché dans le bureau du ministère afin d'y poser une bombe. Cette vision (puisque les salamandres ne vivent pas en ville) est prophétique : la salamandre est le symbole du feu qui s'apprête à engloutir la ville, mais il est surtout le symbole de la royauté. Un pouvoir absolu, donc, que les personnages cherchent à combattre, avec audace mais aussi une certaine maladresse. On pourrait en dire autant du symbole que représente Jeanne d'Arc, ou même des rats qu'on voit plusieurs fois passer en arrière-plan de certaines scènes. Ces symboles et ces visions (celle de Mika et de Greg) participent à l'atmosphère psychotique qui se dégage du film, qui oscille entre le rêve et la réalité, entre des scènes très réalistes et d'autres comme la scène de fin qui restent, fort heureusement, du domaine de la fiction en France pour le moment. Mais méfions-nous.
Bonello pourrait choisir de montrer des héros qui fondent leurs actes sur un bagage idéologique très poussé : il ne le fait pas. Nombre de ces jeunes gens paraissent confus idéologiquement, tentent de lutter contre le capitalisme mais subissent malgré eux son influence. C'est d'ailleurs dans un grand magasin que l'histoire se termine, après une nuit de consommation effrénée. Les marques, les produits de grande consommation sont omniprésents au point que le grand magasin pourrait presque être considéré comme un personnage à part entière.
Bonello réussit avec brio à nous donner de l'empathie pour les terroristes, mais propose hélas une fresque extrêmement pessimiste où l'action révolutionnaire est vouée à l'échec. C'est un film d'une cruauté éblouissante, avec certaines scènes qui touchent au sublime. Bref, ne vous laissez pas tromper par la note moyenne et allez le voir pour vous faire votre avis.