Bonello nous propose dans une première partie une sorte de révision du film de casse. On comprend dès les premiers plans que quelque chose se met en place, mais il nous épargne les sempiternels « rassemblement d’équipes » avec à chaque personnage sa spécialité, mais aussi l’exposition insupportable du plan avant qu’il ait lieu. La construction scénaristique est une grande force du film. On n’a pas besoin de mots, on a très bien compris ce qu’il va se produire, et que l’événement que l’on attendait depuis le début n’était pas en fait une sorte de braquage, mais un attentat contre le ministère de l’intérieur. L’équipe n’est pas non plus « spéciale », on a seulement des individus venant de différentes classes sociales, se regroupant pour accomplir quelque chose qui paraît inatteignable pour des citoyens lambdas.
La deuxième partie du film se déroule après l’attentat, dans ce qui semble être un centre commercial dans lequel se retrouvent les protagonistes pour attendre que la situation à l’extérieur se calme. C’est ici que les personnages se révèlent, interagissent, se mélangent et s’explorent. Ils ont accès à un terrain de jeu géant et gratuit, où chacun peut se permettre d’être lui même. On voit ceux venant de banlieues se maquiller, jouer la comédie ou porter des habits de luxe, tandis que ceux venant de milieux plus favorisés s’amusent avec des armes et des bombent.
Après avoir attaqué et quitté une gouvernance contre laquelle ils étaient en désaccord, on a donc des individus qui recréent leur société idéale, dans laquelle chacun,malgré la différence de classe initiale, peut être qui il veut et est l’égal de l’autre. Cette notion nous suivra jusqu’au bout du film, car tout les personnages seront égaux face à la mort qui les attend.
La musique, projetée au travers des hauts parleurs du magasin sert ce mélange de classe et cette égalité, tantôt populaire, tantôt moins accessible, mais que tous les personnages semblent apprécier, ce que l’on voit au travers de scènes de danses qui les unissent encore plus. A noter que les musiques extra diégétiques sont toutes des compositions de Bonello lui même, et accentuent parfaitement les moments de tensions et de doutes.
Là où le film se perd, et manque de pertinence, c’est dans son traitement de l’histoire par l’image. Les cadres sont certes très beaux, bien composés et maîtrisés. Les lumières subliment les expressions des personnages, leurs peurs leurs joies et leurs doutes. Le problème, c’est que l’on nous montre des gens lambdas, accomplir des actes d’une grande violence. Les images sont trop léchés, avec un étalonnage qui veut un rendu cinéma, ce qui empêche de rendre les personnages réels. On ne les voit pas vraiment exister, car ils n’existent que dans le film. On voit la fiction, on la ressent.
L’image est parfaite à tout moment, même lorsqu’elle ne devrait pas l’être car la situation ne l’est pas. La violence est rendue belle. On a pourtant plusieurs meurtres par balle dans le film qui sont assez barbares, mais montés très joliment à l’image. Les explosions sont presque « stylées ». Or, tout ces actes, même si ils sont pour les protagonistes des actes citoyens de rébellion, sont d’une rare brutalité, qu’on ne ressent pas dans l’image. On a donc à peine un questionnement sur la difficulté et les conséquences humaines des actions qui ont été commises, que l’on devrait plus ressentir si la violence était traitée telle qu’elle, et pas avec des images bien propres et léchées, comme si c’était un jeu de tir faisant bander un adolescent prépubère.
Nocturama est cependant un film à grand potentiel, malgré ses fautes, qui si elles avaient été évitées auraient pu le rendre parfait. Il nous sert un beau discours sur l’égalité et l’acceptation de soi. Il n’y a pas d’ennemi parmi nous, même entre différentes classes sociales, le seul qui soit étant la classe dirigeante, qui nous permet d’être unis dans la lutte contre cette dernière, et nous permettra d’être pleinement une fois vaincue.