Vers le milieu du film, Susan, déambulant dans son immense galerie d’art, s’arrête soudain devant un tableau on ne peut plus flagrant : le mot revenge écrit en lettres blanches dégoulinantes sur fond noir comme la nuit. Comme si Tom Ford, à cet instant précis, pensait avoir perdu son spectateur et lui rappelait, sans manière, de quoi il est précisément question dans son film. Et presque tout, dans Nocturnal animals, est à l’image de cet instant précis : élégant, mais épais. Nocturnal animals sera donc une histoire de vengeance, puisque cela est dit et écrit et signifié. Celle d’un homme quitté par une femme et qui, des années plus tard, se servira d’un roman cathartique (en tuant, dans celui-ci, la femme et la fille d’un homme épris de remords et de châtiments) pour définitivement régler ses comptes avec elle.


Ce sont ainsi trois histoires qui se croisent, se recroisent et se font écho, et que Ford s’échine à relier, grossièrement, par différents détails visuels (voire sonores) et autres figures métaphoriques, oblitérant, de fait, nuances et autres mystères. Il aurait pu faire de son joujou un drame passionnel (et passionnant) à multiples tiroirs (il y avait la matière pour, celle du roman d’Austin Wright) qui nous perdrait dans une vaste logique illogique (Mulholland Drive, encore et encore…) ou un piège pervers à la Verhoeven, mais y préférant une œuvre finalement évidente dans sa machinerie et ses (jolis) atours. Il n’y a qu’à voir certaines scènes, essentielles pourtant dans leur apport à l’intrigue (Susan et sa mère, Susan décidant de rompre avec Edward, celui-ci découvrant l’acte impardonnable de Susan…), que Ford rate en beauté, ou encore la réappropriation quelconque des codes du film noir (honorés, mais jamais dépassés), pour saisir toute l’insuffisance du projet.


De plus, ses trois temporalités (passé, présent et roman) s’imbriquent mal, conférant au film un rythme bancal, ici une tension à la ramasse, là une émotion au rabais. Certes, il est d’une beauté plastique époustouflante (incroyable générique d’ouverture où gigote la laideur derrière la superbe), que ce soit dans la musique d’Abel Korzeniowski, la photographie de Seamus McGarvey, la mise en scène ou l’interprétation (Amy Adams, d’une splendeur glacée), mais ce bel écrin, tout rutilant qu’il soit, ne suffit pas à pardonner les travers d’un film trop long quand, le comble, son magnifique plan final (d’à peine dix secondes) vient résumer à lui seul toute sa violence émotionnelle : une femme désespérément seule, réduite en poussières par la rancœur de celui qu’elle a aimé autrefois, et qu’elle était prête à aimer de nouveau.


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mymp
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le 9 janv. 2017

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