Il y a deux histoires dans ce film : celle de Susan, une marchande d'art contemporain délaissée par son riche mari et dont l'ancien amour de jeunesse, Edward, vient se rappeler à son souvenir avec un roman qu'il s'était toujours promis d'écrire. Et la deuxième histoire qui consiste précisément dans la lecture de ce roman par Susan.
Sur cette trame intéressante, le réalisateur va construire ce qui est en fait une histoire de vengeance très originale : avec l'envoi de son roman, Edward va tenter de prouver à Susan qu'il a finalement le talent d'un grand écrivain et par cet artifice essayer de la rendre à nouveau amoureuse de lui. Son objectif inavoué, lui infliger un abandon à la hauteur de celui vécu vingt ans plus tôt. La vengeance, c'est bien connu, est un plat qui se mange froid.
L'instrument de cette manipulation est donc le livre, la fiction, le pouvoir des mots. Belle idée ! Mais le film est-il à la hauteur du projet ? Pas vraiment. D'abord, pour que cela fonctionne, il me semblait essentiel que l'on croit à la qualité de ce roman, qu'en quelque sorte nous soyons nous-mêmes, à la suite de Susan, convaincus qu'Edward est effectivement devenu un grand écrivain. C'est précisément ce à quoi s'applique la mise en scène de Tom Ford, en nous montrant de façon insistante une Susan totalement bouleversée par sa lecture : elle est captivée, subjuguée, elle en perd ses moyens, n'en croit pas ses yeux : ce livre la dévore littéralement. De multiples scènes attestent de cette fascination qui se traduit notamment par le fait qu'elle associe au personnage principal du roman le visage de son ancien amoureux. Sauf que.... Sauf que l'histoire que raconte le roman est totalement bancale, émaillée d'incohérences et surtout pas vraiment passionnante. Résumons ce roman : la femme et la fille d'un homme quelque peu faible de caractère, sont enlevées par trois types qui vont les violer et les tuer toutes les deux. Un an plus tard, le mari et un flic local qui a pris cette affaire à cœur retrouvent deux des assassins et les tuent à leur tour. Point final. C'est maigre. On espère à un moment donné une tournure des évènements qui aurait rendu le roman un peu plus complexe, par exemple en faisant des tueurs annoncés des innocents et/ou en découvrant une preuve de l'implication du flic... Mais non.
Par conséquent, il se crée un décalage entre l'attitude de lectrice de Susan - choquée, fascinée...etc - et la réalité basique de cette histoire peu passionnante. Et de se poser la question : mais où voit-elle un grand livre dans ce Nocturne Animals ? Finalement, c'est presque un problème de direction d'acteur, il aurait mieux valu que Susan soit amusée par sa lecture, qu'elle soit conquise par le style, qu'elle soit séduite par l'ironie ou la finesse de son ancien amant, qu'on la voit sourire plutôt que choquée. On aurait davantage cru au pouvoir du livre sur elle qu'avec cette triste histoire qui bien sûr joue sur le fait qu'on peut tracer des parallèles entre la souffrance du jeune homme abandonné et celui de l'homme endeuillé, mais qui dans le même temps convoque des thématiques assez conservatrices (l'auto justice, la jeunesse sans morale...) tout en s'asseyant sur des incohérences qui minent le scénario (par exemple que penser du fait que le flic habite à quelques centaines de mètres seulement de la cabane où le viol aura lieu et où se réfugie le tueur à la fin (ce qui est proprement incompréhensible)).
Bref, si on veut être logique : ce roman n'a rien d'exceptionnel, donc Edward n'est pas un grand écrivain, donc Susan n'aurait pas dû trouver ça bon et n'aurait pas dû se retrouver séduite à nouveau...etc. La belle construction ne tient pas. Du moins pas à mes yeux.
Dommage, car l'idée de base du scénario était très bonne. Tout comme la mise en scène d'ailleurs, remarquable de précision, de rythme et de surprises visuelles à l'image de cette scène d'introduction particulièrement ébouriffante qui nous montre d'emblée la vacuité absolue du monde dans laquelle Susan a construit sa vie.
A découvrir quoi qu'il en soit.


Personnages / Interprétation : 5/10
Histoire / Scénario : 4/10
Mise en scène / Réalisation : 8/10


6.5/10

Créée

le 23 janv. 2017

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Theloma

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