Beau film d'ambiance, fin en queue de poisson

L'homme à la valise, un classique du film sur un Occidental perdu dans un pays.

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Rossignol (Anglade) part à la recherche d'un certain Xavier Janata Pinto, un ami d'enfance. Le jeu de piste commence. Arrivé à Bombay, il questionne une prostituée qui lui a écrit pour lui demander de l'aide, Vimla Sar. Sur ses dires, il questionne un cardiologue athée de l'hôpital de Bombay. Il visite l'étonnante île d'Elephanta. Prend le train pour Madras, dans lequel il rencontre un soi-disant Juif qui se fait appeler Peter Schlemil (un personnage littéraire) et lui parle d'une statue indienne de Madras qu'il veut voir car son bourreau nazi lui en aurait parlé. On apprend ensuite qu'il était lui-même ce bourreau nazi. A Madras, Rossignol rencontre un babu, un érudit indien ascétique avec qui il a de graves conversations sur Hesse et Pessoa. L'homme lui lit une lettre de Xavier qui semble parti pour Goa. Rossignol repart, rencontre en chemin une voyante au visage monstrueux qui refuse de lire son avenir car son hatman (âme) n'est pas là. Il retrouve un monastère jésuite, mais ne s'attarde pas. Nage, puis discute des étoiles avec une petite fille en uniforme d'écolière. Corrompt différents personnels pour trouver l'hôtel où s'est arrêté Nightingale (le vrai nom de Pinto ?). Attire Clémentine Célarié, une photographe, à sa table et lui raconte qu'il veut écrire un film mais n'a que des bouts, tout le plus intéressant serait hors-cadre. On réalise que depuis le début, même si c'est invraisemblable au niveau narratif, le héros crée son propre roman.
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Le titre du film fait sens, car cette oeuvre repose sur une alternance, ou plutôt une respiration jour/nuit intéressante, les scènes nocturnes étant les plus envoûtantes. J'avais déjà remarqué le talent de Corneau pour faire de beaux extérieurs, dont il tire le meilleur avec un minutage des cadrages fort étudié et fort élégant. Photogénie d'un homme portant un complet et une valise dans de beaux décors, qui semblent raconter à eux seuls une histoire. Dommage que le film, dans sa dernière demi-heure, laisse traîner un twist final qui au fond laisse le spectateur assez indifférent. La séquence entre Anglade et Célarié semble interminable, ce qui n'est pas la faute des interprètes, mais de dialogues à mon goût un peu trop écrit.

L'image joue sur les couleurs, avec une séquence au filtre safran lors du passage chez l'érudit, ou encore les teintes blanches des rues de Bombay, grises de l'hôpital, rouge du hall d'hôtel. Quelques coupes un peu brutales, mais rien de choquant. Le risque que le jeu de piste devienne lassant est déjoué par un rythme fort bien coulé, des images dynamiques (l'envol massif de pigeons au passage de Rossignol), intrigantes (le visage de pierre émergeant des ténèbres dans le temple d'Elephanta) ou cocasses (les dormeurs sur la place de la gare centrale de Bombay, image très picturale). Corneau soigne la composition en vrai peintre.

Les deux faiblesses du film sont à mon sens l'abus de ce fichu quintette à cordes de Schubert (opus D956), utilisé jusqu'à plus soif, et cette fin assez cousue de fil blanc.

Il n'en reste pas moins que "Nocturne indien" est un beau film d'ambiance sur l'Inde et sur Goa, qui m'a fait penser à un roman de M. Eliade, "La nuit bengali".
zardoz6704
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le 20 juil. 2014

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