"L'insoutenable légèreté de l'être" évaluée dans un bain d'hindouisme

"On se perd facilement en Inde, pays fait exprès pour ça !".
C'est la plus déphasante des vérités assénées au jeune héros, lui qui cherche un ami à la dérive dans ce pays d'Orient si... désorientant ! Un périple synonyme d'enquête et de quête tout court, face à face, visions... Comme le roman italien qu'il adapte, le film repose sur une trame narrative aussi mince que celle d'une tunique de bonze. Mais il est d'une formidable épaisseur sur la complexité de l'être humain.
Héros ? Grand mot pour désigner ce trentenaire à la mine aussi fatiguée que sa petite valise, vivant sa 1re nuit indienne dans un boui-boui du quartier chaud de Bombay. 1re rencontre, une prostituée, dont une lettre le propulse dans un bain d'hindouisme, au risque d'y perdre toutes ses certitudes d'Occidental. Il ne lui reste plus alors qu'à mettre ses pas dans ceux de son très mystérieux ami.
Jusqu'à cet hôpital, où il approche de dénuement de l'Inde au côté d'un médecin fantomatique.
Jusqu'au temple d'Elephanta, où il se laisse envoûter par le force divine de l'Inde devant le buste géant surmonté des têtes de Brahma, Shiva et Vishnu.
Jusqu'à la société théosophique de Madras, où il cerne la vérité hindouiste de l'Inde face à un très énigmatique interlocuteur.
Et jusqu'à Goa, où, sur l'un des plus fascinants sites de l'Inde, il vit une troublante métamorphose.
Cherchant cet ami a priori perdu géographiquement et mentalement, c'est lui-même qu'il découvre. En proie à "L'insoutenable légèreté de l'être" (dixit Kundera) pour quiconque est conscient de sa vulnérabilité et de ses fourvoiements, objets d'un autre film à thèse.
Celui d'Alain Corneau ne pouvait briguer, alors, le Grand prix du festival de Chamrousse, dédié à l'humour. Mise en scène austère, suprématie des plans fixes, lenteur étudiée et dialogues existentiels durant près de 2 h. Mais il y a des moments sublimes, rehaussés par la qualité d'image, les cadrages attentionnés sur les visages des interprètes indiens. Ni misérabilisme ni exotisme de cartes postales.
Surtout, il y a Jean-Hugues Anglade, omniprésent. Sa grande sensibilité d'acteur irradie le film de bout en bout. Pour qui aime les personnages tout en zones d'ombres, "Nocturne indien" est une forme de Nirvâna !

Ticket_007
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le 1 mars 2016

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