Curieux et finalement branlant, mais vaut tout de même le détour. C'est un énorme budget (130 millions de $) piloté par un 'auteur', un savant faiseur de blockbuster et une espèce d'artiste obscur en roue libre – le tout en Aronofsky, de nouveau sur un projet foncièrement atypique après les relativement normaux The Wrestler et Black Swan. Pour renouveler le grand-spectacle biblique hollywoodien, c'est une piste à prendre au sérieux ; pour honorer la source du genre, c'est embêtant naturellement – et comme l'écumer suffit à écœurer les cinéphiles et athées bien vaccinés, forcément un tel film part avec des handicaps.
Visuellement on passe par tous les niveaux qualitatifs à l'exception de la nullité – le style est éclaté et gargantuesque, exotique et modérément original (s'il l'est encore pour des yeux imbibés d'heroic fantasy). Religieusement il a l'air d'un pot-pourri ; autrement dit, Noah-2014 reprend les grands cultes à son compte, amalgame la chrétienté avec des élans et des mythes païens ou divers/libres (contemporains compris).
La véritable orientation, ce qui fait vibrer le tout, ne repose pas dans les livres. L'instinct religieux exprimé ici est éco-centrique (et le tournage est conséquent – les animaux sont tous numériques), pessimiste à l'égard de l'Homme ('mauvais'), ambigu concernant ses mérites et son avenir. Les aspects sombres de cette vision tendent à pourrir le film : la crise de Noé, inexistante dans la Bible, implique le sacrifice de quelques cohérences ; la séance baisse en puissance à partir du déluge, donc la seconde heure.
Si on se contente de prendre Noé comme un film fantastique, il a également des atouts – par son univers, ses décors et via ses créatures (y compris ces géants de pierre). Les séquences 'psychiques' sont trop tapageuses, sans être vulgaires (globalement). Jennifer Connelly est mal exploitée, son personnage est réprimé, seulement subordonné à son mari – de quoi donner prise aux critiques, qui ne manquaient pas d'angles d'attaques. Seul le couple parmi la jeune génération est un peu creusé, tandis qu'Hopkins fait office de guest luxueux – à ce point il faudrait parler de cameo.
https://zogarok.wordpress.com/2021/12/12/noe/