Poussé par une passion vieille comme Mathusalem (à l’échelle de ma vie) pour Jennifer Connelly et un intérêt pour Aronofsky, j’entrainais dans mon sillage une mauvaise troupe de sudiste prête à hurler son dédain dans une salle plutôt clairsemée. Dès les premières secondes, une angoisse m’étreignait: et si c’était la derrière fois que je côtoyais ces tristes sires ? Un sacrilège Connellyen, ça se paye, et au plus haut prix !
D’autant que l’incertitude était aussi intime: Aronofsky filmant un déluge, ça sentait le mauvais fait d’hivers
(ski, luge, poufpouf).
Jenni-flexion
Pourtant les mécréants, dont je suis un des représentants les plus virulents, durent vite se rendre à l’évidence: l’entreprise d’adaptation d’un texte biblique n’était pas si pourrie qu’on pu/voulu le croire.
Le fait que le habituelles cohortes de fanatiques religieux (pléonasme ?) soient tombés à bras raccourcis sur le film pouvant même être plutôt rassurant.
Et en effet, Darren propose un de ses habituels combos étranges, fait d’un mélange d’idée parfois brillantes et souvent parfaitement grotesques.
Une espèce de mi-chemin dont le réalisateur est coutumier. A l’échelle des bollockbusters© aseptisés et chloroformés servis depuis une décennie: un chef d’oeuvre, à l’aune d’un film d’auteur spectaculaire: une croute.
Génèse-pérais pas tant
Dans la catégorie des bonnes surprises, une série de détails rigolos. Le fait de ne jamais prononcer le vocable "dieu", remplacé par un (bien plus "ceci est une légende") "créateur" est en soit révélateur. Cela permet par exemple l’introduction de choses ridicules et libres comme les veilleurs, mélange douteux de Transformers et de Ents.
Si les quelques scènes entourant l’arrivée des eaux sont spectaculaires et pas totalement désagréables, c’est au fond les questions liées aux prises de décision de Noé, sa façon de respecter aveuglément ses visions inspirées du créateur, qui font le sel du film. Pourquoi et comment considérer les animaux comme seuls innocents quand les hommes seraient unanimement corrompus est une des problématiques que le film a la justesse de ne pas évacuer trop stupidement.
guide de survie en milieux aqueux: prenons le cas Noé
Bien sûr, il faut pour discerner ces quelques points intéressants, être capable d’occulter tout ce qui est boursoufflé et raté dans le film: des coiffures et des costumes qui sont de douteuses adaptations de modes actuelles avec un anachronisme superflu, des tests de grossesse antédiluviens foutrement efficaces, des acteurs secondaires sortis de pubs de dentifrices, des considérations antiques sur ce qu’est une vraie femme (ah oui, mais ça, ça colle à ce qu’est sensé être l’époque, merde), et surtout, surtout, quelques scènes dont les effets font presque regretter une disparition réussie dans Joséphine ange-gardien.
(Un truc, en plus, me turlupine: neuf mois après la montée des eaux, Emma Watson perd les siennes. Coïncidence ?)
Après Noah, le déluge
Je m’en tirais donc, outre le plaisir de contempler une Jennifer qui a la classe folle de vieillir en même temps que moi (nous avons presque le même jour de naissance, et infiniment peu d’années d’ écart) avec une déception et un enseignement.
La déception, c’est de ne pas avoir vu l'arrivée de l'inondation accompagnée de la musique qui aurait parfaitement collé:
https://www.youtube.com/watch?v=vb7htoJAK7g
L’enseignement est lié à la consommation de pop-corn dans une salle de cinéma.
Si vous voulez être sûr de faire chier un maximum de gens autour de vous, il faut faire durer le paquet les deux heures du film. Seul moyen d’y parvenir: piocher bruyamment dedans, uniquement pendant les scènes calmes.
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(* titre à lire avec cet autre air en tête: https://www.youtube.com/watch?v=hziG9Nr6KHU&feature=kp)