Darren Aronofsky, si pragmatique et si fataliste à travers ses œuvres, ne semblait pas le client idéal pour adapter ce chapitre de la Bible. D'une part parce qu'il ne parait pas profondément croyant, quoiqu'il reste un américain, et d'autre part car le genre "aventure-fantastique" n'a jamais été son cheval de bataille. C'est sur ce point précis malgré tout que le projet "Noé" peut susciter de l’intérêt.
Hormis le casting, les premières images dévoilées étaient la vraie promesse d'un film "spectacle". D'entrée de jeu il s'agit effectivement d'une claque visuelle. L'adaptation faite par Darren Aronofsky emprunte bien un chemin homérique prenant le parti du spectaculaire. Une épopée au décor aussi fantaisiste et lumineux que "The Foutain".
La comparaison peut paraître étrange, mais dans un certain sens "Noé" suit l'épique "Man of Steel". Comme l'adaptation de Zack Snyder, celle-ci prend le temps de poser le mythe avant d'afficher hâtivement les incontournables. Mais surtout c'est à nouveau une œuvre aux effets-spéciaux fascinants. Un univers visuel fabuleux (le plan crépusculaire avec les ombres de Russel Crowe et Jennifer Connelly en est le summum), avec de grosses lacunes tout de même. L'utilisation d'images de synthèse peut s'avérer aussi efficace qu’affligeante. Les anges déchus ont par moments très fière allure et par d'autres le mouvement exubérant. Les animaux aussi manquent cruellement de crédibilité. Dommage car pour du reste, Darren Aronofsky fait la part belle au naturalisme et à la nature. En utilisant son habituel enchaînement ultra rapide d'images, il accélère subtilement son récit et donne une vision évoluée et organique des origines du monde. Il reste en revanche dans un aspect très chimérique, voir clairement onirique, quand il évoque le jardin d'Eden.
Pour les plus athées, il est plutôt possible de voir ce "Noé" comme une odyssée fantastique dans la lignée du "Seigneur des anneaux", ou autres histoires légendaires. Bien que probablement fidèle au livre le plus vendu au monde, le texte aurait pu être plus imbuvable dans la doctrine.
Le fond du propos reste néanmoins rébarbatif et surtout extrêmement superficiel. Le mythe traite d'abord de la bonté et des pêchés de l'humanité. Toute l’ambiguïté de celle-ci est quand même plutôt bien ressentie. Les différents personnages complètent assez bien la palette de l'être humain dans ses travers, ses inquiétudes, sa singularité et surtout sa complexité. Mais cela reste léger et approximatif. Ensuite, le récit pose plus précisément la question de la dangerosité de l'Homme et donc de celle de faire perdurer la race. Dans la situation que tout le monde connait, l'humanité est menacée, Noé se fait le maître de son destin et croit en la nécessité de la condamner. La contradiction à cette ineptie est là mais pas toujours bien aboutie. La présence d'Emma Watson et Jennifer Connelly (et de leurs rôles) est la réponse un peu sauve-tout à cette platitude. Elles incarnent la vie et sa belle spontanéité, mais surtout l'amour. C'est un peu mielleux, mais Ila et Naameh allègent le récit et l'ambiance assez lourdingues.
C'est un réel plaisir de revoir la vedette des années 90 dans un registre tout autre que "Requiem for a Dream". Pour ce qui est de celle qui fût longtemps Hermione Granger, elle continue de confirmer sa capacité à s'extirper de ce rôle et reste une actrice relativement prometteuse. Anthony Hopkins et Russel Crowe sont dans la facilité et ne sont pas franchement méconnaissables.
Pas profondément éblouissant dans son texte ni sa transposition, mais franchement distrayant dans son rendu visuel survolté et spectaculaire.