Nomad
6.6
Nomad

Film de Patrick Tam Kar-Ming (1982)

Doux, drôle, taquin et politiquement ambigue

Il y a comme deux films en un qui cohabitent. Un film amoureux et léger, sur la joie et l'innocence de la jeunesse, quand demain c'est loi et que aujourd'hui bat si fort. Et sur la fin, un film d'horreur sanglant un peu nanardesque.


La première partie du film est taquine et franchement drôle. Il y a beaucoup de scènes maraquantes comme la scène géniale de la piscine où un Pong maître-nageur, interprété par Kent Tong, se retrouve débordé par un gang de jeunes femmes incontrolables. J'aime aussi la rencontre de Louis (Leslie Cheung) et de Tomato (Cecilia Yip) autour du téléphone public ou encore la mémorable scène de sexe dans le bus de nuit ! Au-delà de ça, ce qui rend le film mémorable c'est cette une nostalgie tendre assez intemporelle qui est comme cousu autour de ces moments comiques. Je pense que cette ambiance se crée aussi grâce à des scènes belles et très soignées. La couleur est souvent vive et semble soigneusement disposée dans les décors.


Politiquement, le film est assez ambigue. Il rappelle l'occupation japonaise toute récente et ses massacres, quand on apprend que le père de Shinsuke Takeda (Yung Sai-Kit) était posté en Chine. Mais il y a une fascination pour la culture japonaise qui occupe une grande place dans le film, où on peut voir une danse improvisée en kimono par Kathy (Pat Ha) et un Louis (Leslie Cheung) fasciné par l'exposition d'armures de samouraï. L'armée rouge japonaise, dont l'amant japonais de Kathy a déserté, est clairement l'antagoniste, le danger principal du film. Mais on voit la fascination du film pour l'efficacité froide et mortelle de la combattante qu'elle envoie. Ce qui est le plus ambigue et qui me gène aux entournures, c'est que finalement, cette armée rouge révolutionnaire n'est pas montrée comme en opposition au Japon mais comme une émanation de celui-ci. L'armée rouge ne semble pas lutter contre le Japon tel qu'il existe mais pour lui. Or il me semble que ce groupe a un projet clairement révolutionnaire. Je reste perplexe, pas sûr de vraiement comprendre où le film voulait aller.


C'est aussi que la fin arrive comme un camion sans frein qui fonce dans le décor. En deux temps trois mouvements, la quasi totalité des jeunes se voit soudain annihilé au sabre par la combattante de l'armée rouge.

Cette scène suréaliste et proche du nanard donne l'impression que le réalisateur a soudainement détruit son film de rage, en assassinant tout ses jolis personnages amoureux de la façon la plus expéditive et sanglante. Comme un enfant perfectionnsite qui se serait appliqué à créer un joli dessin pendant des heures mais qui, frustré par un trait maladroit ou par une remarque malvenue, va déchirer de rage son joli dessin. Le carnage final ressemble clairement à du sabotage, et finalement les personnages sont tués par le réalisateur avec autant de légerté que ces derniers ont vécus leurs amours.

Claire-Blue
8
Écrit par

Créée

le 4 août 2024

Critique lue 9 fois

Claire-Blue

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur Nomad

Nomad
YasujiroRilke
7

Critique de Nomad par Yasujirô Rilke

Par l'une des grandes figures de la nouvelle vague HK des 70s/80s, ce portrait en kaléidoscope d'une jeunesse trans-classes, désireuse d'échappées, offre un feu d'artifices de cinéma, généreux et...

le 4 mai 2024

1 j'aime

Nomad
Claire-Blue
8

Doux, drôle, taquin et politiquement ambigue

Il y a comme deux films en un qui cohabitent. Un film amoureux et léger, sur la joie et l'innocence de la jeunesse, quand demain c'est loi et que aujourd'hui bat si fort. Et sur la fin, un film...

le 4 août 2024

Nomad
Zenjjjj
6

c'est bieng

comme souvent que je vois un film hong-kongais années 90-2000 j'ai l'impression que c'est un joyeux foutoir, où se mélange un peu tous les genres, à chaque fois ça me perd un peu et à chaque fois je...

le 12 juil. 2024

Du même critique

A Girl Walks Home Alone at Night
Claire-Blue
6

Suivre une vampire qui skate le long des rues désertées

C'est un conte iranien. Une histoire hors du temps, sombre et contemplative, où évolue une vampire dans les rues désertées de Bad City. Mais c'est aussi un film état-unien où le héro, Arash, balade...

le 6 juil. 2024

The Watermelon Woman
Claire-Blue
9

Le pouvoir de fascination du Dunyementary

J'ai toujours eu un faible pour les films qui jouent à combiner le documentaire et la fiction, alors découvrir le "Dunyementary", c'est juste génial. Ce film est la première production aboutit dans...

le 17 juin 2024