L'Obstination et le renoncement
Bâtir un film entier autour d'un personnage aussi casse-couilles et pleurnichard - à première vue - que celui de Chiara Mastroianni dans Non ma fille tu n'iras pas danser était une réelle gageure et le film risque fort de provoquer un réel agacement chez les détracteurs du cinéma d'Honoré
Or, le talent de ce cinéaste transforme cette gageure en un film incroyablement gracieux, original et d'une belle justesse de ton.
Élégamment mis en scène et purgé de toute les afféteries auteuristes qui pouvait parfois encombrer son cinéma et le rendre horripilant à certains (pas à moi, je suis un pur fan, de la première heure et aucun de ses films ou de ses livres ne m'a vraiment déplu), le film atteint un niveau assez rare dans la production française actuelle et il se pose d'emblée comme un des meilleurs films de son auteur.
Il est pourtant aussi un des plus revêches, un des moins aimables d'Honoré et si l'intérêt du cinéaste pour ce type de personnage très humains mais en qui on rechigne à se reconnaître n'est pas nouveau, de Cécile Cassard à Dans Paris, en passant par Ma Mère, La Belle personne ou Les Chansons d'amour, on ne peut qu'admirer sa réussite à nous faire chaque fois aimer sincèrement des personnages aussi peu aimables, au premier abord, à une période charnière de leur existence où le rapport à l'autre devient pervers ou douloureux.
Le personnage de Chiara Mastroianni si éclatant de lumière et de caractère au début du film s'assombrit au fur et à mesure que l'on apprend à la comprendre et elle reste chaque fois insaisissable. La très belle digression du conte breton en milieu de film apporte un éclairage salutaire au personnage tout autant qu'il l'assombrit et l'on reste comme toute la famille de cette femme, ses parents, ses frères et sœurs, ses enfants, ses "amoureux", constamment partagé entre l'envie de la gifler et celle de la prendre dans nos bras.
Les acteurs sont tous merveilleux, avec un hommage particulier à La Mastroianni qui a rarement atteint ce niveau de jeu et qui est éblouissante tout au long du film, à une Marie-Christine Barrault parfaite, à Marina Foïs, comédienne parfois vraiment passionnante, à Jean-Marc Barr et Marcial Di Fonzo Bo, formidables comme toujours et au petit nouveau à manger tout cru: le frangin himself d'Honoré, Julien, déjà aperçu dans Rien dans les poches de Marion Vernoux et qui confirme l'envie qu'on aurait de le voir sur un écran autant que - pourquoi pas, on peut rêver - dans ses bras...