L'appréciation d'une oeuvre dépend de nombreuses choses que l'on n'explique pas toujours... Une part de subjectivité s'installe forcément au sein d'un avis, d'une critique... Je tenais à en parler car si j'ai beaucoup aimé Nord, il y a sûrement un peu de subjectivité en moi qui m'a dicté ceci.
Mais revenons-en au film, Nord donc est un très récent road movie prenant part dans le grand froid Norvégien ou nous rencontrons un étonnant personnage, Jomar, dont les fils se touchent et qui se retrouve au début du film dans l'impossibilité de brancher d'autres fils entre eux (première scène). Tout de suite le ton est donné, Jomar n'est pas vraiment banal. Mais bon, il vit plutôt bien au final, enfin, de son point de vue... Il boit, il dort, et il n'assume rien. Plutôt pas mal. Et puis sa vie va être chamboulée lorsqu'il va décider d'aller rendre visite à son fils, et à sa mère par la même occasion. Et le voyage commence.
La force des road movie est de nous emporter dans des endroits magnifiques, et Nord n'est pas en reste. Les paysages enneigés défilant sous nos yeux sont splendides, la photographie extrêmement réussie et le rythme par lequel toutes les étapes de cette épopée géographique sont franchies est très bien pensé. Ainsi, Nord est un beau voyage, plutôt court (1h15), mais très juste, car il met en valeur des choses plutôt simples, très honnêtes, avec une franchise et une humilité très appréciables. Ainsi, le personnage central n'est sûrement pas parfait. Ses nombreux travers sont d'ailleurs un des thèmes centraux du film, cette addiction à l'alcool principalement. Mais jamais le réalisateur ne se sentira le besoin ou l'envie de condamner ça. Non, il le montre, et entremêlé à toutes les qualités de Jomar, ce n'est finalement qu'un bien triste défaut perdu au cœur d'une immensité de qualités.
Et le voyage avance, progressivement Jomar croisera des personnages comme lui. Ils ne sont jamais parfaits (la pré-adolescente qui est... pré-adolescente justement, le jeune paumé qui se bourre la gueule de façon un peu douteuse ou encore le vieil homme à la chaîne) mais tous sont attachants, et surtout tous vont prouver à Jomar qu'il peut avoir confiance en lui. Le voyage se transforme alors un peu en chemin initiatique. Afin d'affronter son fils (chose qu'il ne pouvait presque imaginer au début du film, et qu'il est un peu contrait de faire suite à l'incendie de sa beeelle cabane) il va d'abord devoir affronter l'humanité. Et si celle-ci est parfois un peu dure au premier abord, elle se révélera finalement parfaitement indulgente et lui parfaitement prêt pour son étape finale.
La mise en scène permet de représenter cette belle histoire avec sobriété. C'est le premier film de Rune Denstad Langlo, mais je l'espère sûrement pas le dernier. Car il réussit à installer grâce à une grande maîtrise visuelle un univers simple mais terriblement attachant et efficace. La beauté des paysages n'est jamais excessive (genre "bam beau plan de paysage mais finalement on repart sur un plan moche après"), elle colle parfaitement au récit. Et la petite dose d'absurdité que le réalisateur installe permet de prendre avec plus de légèreté une histoire qui aurait pu aisément basculer dans un pathos lourd (l'abattage de l'arbre juste après avoir appris l'existence de son fils). Le choix des musiques (très peu nombreuses mais jolies), des décors, des acteurs (excellents, principalement l'acteur principal, ultra convaincant), parachèvent une belle réussite.
Nord est donc un très beau film. Sa lenteur aurait pu être un poids mais elle est finalement un aspect essentiel de ce côté contemplatif, qui accompagne un récit d'une pureté étincelante, lenteur d'autant peu gênante que le film dure 1h15, donc bon on va pas faire les difficiles !
Un conte sur l'homme, sur la nature, et surtout sur le fait qu'on peut encore faire de très beaux films sans se compliquer la vie, sans se barrer dans un scénario digne d'un Lynch + Cronenberg, sans foutre une mise en scène prétentieuse et une musique arrogante. Et rien que pour ça, merci Nord.
(et puis un road movie c'est toujours bien, première règle du road movie)