NOS ANNÉES SAUVAGES (Wong Kar-wai, 1990, Hong Kong, 100min) :
Une rêverie éveillée dont l’action se situe en 1960 de Hong-Kong jusqu’aux Philippines. Le cinéaste nous conte le destin d’un jeune bourgeois déraciné qui semble indifférent à la vie, et qui abuse sans scrupules de son charme sensuel auprès des femmes qu’ils rencontrent, tout en recherchant l’identité de sa vraie mère biologique. Wong Kar-wai, le magicien de l’image, livre une envoûtante mise en scène nonchalante mais virtuose et esthétique, avec des cadrages méticuleux, et où les dilatations temporelles renforcent les angoisses de son héros incapable d’aimer.
Ce premier volet de la “trilogie de l’amour” installe véritablement les fondations de In the Mood for Love (2000) et de 2046 (2004). Une fiction sous la forme d’une « histoire vraie de voyou » qui impose un peu plus son style sensuel et captivant. Un long métrage splendide, ensorcelé par un scénario évanescent, par des acteurs épatants (magnifiques Leslie Cheung, Jacky Cheung, Maggie Cheung, Andy Lau, Carina Lau), qui plus est accompagné par une délicieuse bande son mélancolique (notamment le morceau Perfidia de Xavier Cugat qui sera réutilisé au cœur de In the mood for love et 2046). Le réalisateur développe de manière hypnotique ce superbe ballet poétique, tendre et déchirant comme un tango, où le langage des corps se rajoute à la moiteur du climat. Une œuvre minutieuse, enivrante, un magnifique portrait de l’adolescence et de l’innocence perdue, qui permet à l’esprit du spectateur de quitter le bitume désenchanté pour s’envoler vers la forêt tropicale défilant par la fenêtre de ce train qui roule vers on ne sait où…
D’une terre à l’autre, avec Wong Kar-wai, l’envoûtement opère partout, et panse toujours si bien les blessures.