L'oiseau est allé nulle part, il était mort dès le début. Nos années sauvages sont les prémices du cinéma crépusculaire de Wong Kar Wai, regardant avec une désillusion nébuleuse les errements émotionnels d’un jeune homme au contour familial plus que flou, voulant savoir l’identité de sa mère biologique. Il va de femmes en femmes, ne s’intéresse guère à elles, ne voulant pas s’attacher à quiconque autour de lui. Mais ses gestes, ses mots stridents et autoritaires qui touchent là où ça fait mal ont des répercussions sur celles qui s’éprennent de lui, notamment la somptueuse Su Lizhen au regard solitaire et à la tristesse vagabonde ou l’excentrique Leung Fung-Ying. Nos années sauvages s’intéresse au temps qui passe, parfois trop vite quand on est auprès de l’être aimé ou trop lentement lorsque le désamour de l’autre nous transperce le cœur. A ce moment-là, il ne reste au personnage que leurs yeux pour pleurer. Le désarroi défile devant ses yeux lorsqu’il est amené à ne pas voir sa mère.
Le film ne se raconte pas, il se savoure grâce à une tendresse presque déchue, son romantisme désabusé et une réalisation magnifique de finesse dans ces ruelles nocturnes, tremblantes d’émotion. Avec l’aide de Christopher Doyle à la photographie, Wong Kar Wai s’avère être un réalisateur extraordinaire de subtilité, avec une aisance non dissimulée pour filmer avec distance la solitude personnelle des hommes ou des femmes et pour capter de très près, les effluves amoureuses des peaux qui se touchent. Une part de mystère s’immisce dans la vie de ces jeunes gens, où le souvenir laisse des traces indélébiles qui parachève le destin des uns et des autres. Il n’y a ni début, ni de fin, juste une part de vie presque monotone, où la réalisation se révèle etre en totale osmose avec cette amertume désolée montrant cette jeunesse qui n’a nulle part à aller et n’ayant qu’à suivre un destin bringuebalant pour essayer d’oublier les désagréments sentimentaux qui perturbent cette jeunesse à l’innocence presque perdue.