Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté.
(René Char)
Passé le constat que ce film est sublime au point que c’en est inqualifiable, et son langage cinématographique, absolument pur : reste-t-il quelque chose à dire ? ou vaut-il mieux se taire et laisser l’image parler pour elle-même ?
Une chose à dire, peut-être. Quoique l’on reconnaisse plusieurs épisodes et quelques images de l’Odyssée, Franco Piavoli fait le pari miraculeux de ne pas chercher à transposer le texte d’Homère, mais plutôt : de se mettre en quête du sentiment de dévotion religieuse, devant la beauté du monde, qui dut faire l'inspiration du poète.
L’œil fixe le mouvement des vagues ; il fixe le blanc des robes gonflé par le vent ; le ballet chatoyant des flamands roses, des phoques, des fleurs, des paons ; puis les vagues encore, et l’azur infini sur lequel s’éparpille le soleil en mille myriades d’éclats ; un enfant au cerceau qui joue dans l’or du couchant ; des visages d’hommes travaillés par le souvenir ; des grottes traversées de soupirs.
On observe tout cela en un silence émerveillé, et il nous monte le sentiment poignant d’être au contact de quelque chose d’éternel et de sacré, où le cœur a la dimension du monde ; l’enfant, celle d’un millénaire ; et la goutte, de l’océan.
Et tandis qu’Ulysse regagne Ithaque, on a l’âme émue comme lui, réchauffée comme il l’est ; et on s’est reconnu une patrie dans l’éternité.