Nous Les Chiens est un film d'animation coréen à la patte graphique assez particulière qui nous plonge dans la chienne de vie d'une bande de clébards abandonnés à la recherche d'un hypothétique Eden dans lequel les humains seraient totalement absents. Le film de Oh Sung-yoon et Lee Choon-Baek est une étrange hybridation entre un univers anthropomorphique finalement proche de Disney et une noirceur désabusée un peu plus ancrée dans la culture asiatique.
Dans Nous Les Chiens nous allons donc suivre la triste destinée de Moongchi un chien aux couleurs de la vache Milka qui dès les premières minutes du film est lâchement abandonné par son maître. Perdu , sans repères, ne sachant même plus parler Moongchi intègre une bande de chiens errants qui survivent dans une ville abandonnée en quémandant encore les reste de générosité des humains. Après s'être difficilement lié d'amitié avec une autre bande de chien plus sauvages et indépendants , les deux groupes se mettent en route vers un territoire vierge de toute trace d'une pseudo humanité.
Nous Les Chiens est un joli petit film d'animation qui aborde des sujets forts et graves sans être pesant et nous offre au bout du compte une fortement sympathique balade initiatique avec pour une fois des chiens qui tiennent la laisse pour nous emmener au grès de leurs aventures. C'est avec un certain plaisir que l'on suit cette bande de rejetés et d'exclus partagés entre un indéfectible attachement à leurs salauds de maîtres qu'ils conservent à travers des objets totem (une balle- un doudou) et un désir de retour vers plus d'animalité et de vie sauvage. La bande est parfaitement calibrée de caractères forts qui vont du vieux sage au petit chiot mignon en passant par les parents courageux mais aussi le héros et sa chienne de petite mamie (non ce n'est pas sexiste et péjoratif dans le cas présent). Forcément certains personnages ont une dimension plus comique assurant au récit des respirations humoristiques souvent très drôle comme ce chien affamé incapable de contrôler le frétillement de sa queue (non ce n'est pas vulgaire dans le cas présent) confondant des crottes de chevreuil avec des croquettes ou le chiot qui prend un couple de vieux chiwawa pour des enfants comme lui. Cette quête initiatique et cette aventure est pimenté par la présence du méchant de service qui est ici un chasseur de chiens qui les capture et les fait se reproduire jusqu'à la mort afin de vendre leur portée pour des combats canins. Tout à la fois drôle, touchante et rondement mené cette histoire se suit sans le moindre temps morts. Graphiquement c'est assez curieux de voir que les décors et univers sont plus riches, plus soignés et plus beaux que les personnages eux même , mais je n'ai pas trouvé cela rébarbatifs pour autant.
Pourtant Nous les Chiens est aussi une légère déception tant le film s'inscrit dans une veine de divertissement familiale finalement à peine plus sombre qu'un classique et vieux film de tonton Walt. Sans réclamer que les chiens égorgent le méchant quand il se retrouve désemparé sous leurs crocs j'aurai aimé que leurs chasses de gibiers, leurs combats féroces avec d'autres chiens, leurs luttes de survivants se parents d'un voile de noirceur plus radicale. Je n'ai rien contre la facilité du procédé de faire parler les chiens comme des humains même si une nouvelle fois j'aurai adoré une approche plus originale, en revanche je ne trouve pas nécessaire et bien trop facile de les faire pleurer pour bien signifier leurs tristesse après la perte de l'un des leurs. Avec de forts parti pris de mise en scène, de cadrages et d'images plus symboliques que figuratives on pouvait sans doute tirer beaucoup mieux que cette simple et paresseuse mise en situation qui est le chien est triste donc il pleure. Les bons sentiments dégoulinent parfois un peu trop comme lorsque notre bande de chiens se retrouvent chez ce gentil couple que l'on imagine volontiers bio et végan soignant les animaux de la forêt et chantant autour d'un feu de camp en compagnie des écureuils, des sangliers et des daims... La scène est tellement ENORME de douce mièvrerie que j'imagine (du moins j'espère) qu'elle implique une bonne dose de second degré. Je trouve Nous les Chiens sympathique et distrayant mais j'ai du mal à comprendre comment certains peuvent voir dans le film une sorte d'antithèse d'un Disney alors que le film de Oh Sung-yoon et Lee Choon-Baek s'articule sur les mêmes valeurs (Solidarité, amour, quête initiatique ) et surtout les mêmes ressorts narratifs avec le méchant très méchant, les personnages secondaires rigolos et une tendance assez systématique à édulcorée la noirceur et la violence de son récit.
Nous Les Chiens reste donc un chouette petit film d'animation, il lui manque quand même beaucoup du mordant pour vraiment se démarquer de ce que propose finalement l'immense majorité des films d'animation grand public.