Hopper au pays d'Ikea
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Sept ans après le 1er volet, Roy Andersson publie le deuxième opus de ce qui deviendra, sept ans plus tard, une trilogie.
Le dispositif reste identique : plans fixes, plans-séquence, pour une farce noire sur le genre humain qui se décline en scénettes souvent décrochées les unes des autres.
La photographie est encore plus claire qu’auparavant, et le soin apporté au cadrage toujours aussi maniaque. Andersson veut capturer au sein d’un plan unique un espace à champs multiples, particulièrement dans sa profondeur par laquelle peut surgir un nouvel arrivant, ou émerger un mouvement en rupture avec la routine cauchemardesque du monde.
L’arrière-plan est le lieu du drame, et vient sans cesse épaissir la fixité anxiogène du premier, à l’instar de cette fanfare qu’on retrouve à intervalles réguliers, et dont la musique se diffuse d’un étage à l’autre, voire d’une façade à celle d’en face.
Andersson s’autorise quelques menus mouvements de caméra, comme deux travellings et un zoom excessivement long lors d’une réunion, qui participe à ces infinis détails que la longueur des séquences impose au spectateur, dont les sens sont tous en éveil et qui navigue à l’intérieur du cadre comme il le ferait face à un tableau, conscient que celui-ci a plus à offrir qu’un instantané en attente d’un contre-champ ou une autre béquille narrative.
Quelques aménagements sont néanmoins consentis, et un récit suivi émerge avec la récurrence de certains éléments (l’homme infect rasé par le coiffeur et la réunion à laquelle il assiste par la suite, la séquence du rêve qui se décline en trois tableaux) ; la part faite aux rêves est d’ailleurs structurante : elle permet à Andersson une audace plus grande encore dans l’absurde et quelques motifs supplémentaires dans la dimension idéologique de sa satire : ainsi des croix gammées qui apparaissent subrepticement sous la nappe tirée, et le divertissement des puissants qui jugent la bière à la main ou assistent à l’exécution avec des pop-corn. Mais c’est aussi un tremplin vers la poésie, comme cette superbe séquence qui suit les fantasmes d’une midinette face à un rocker, avec qui elle vivra une nuit de noce dans une maison montée sur des rails et parcourant la campagne et les villes suédoises. Le mouvement, qui fait défaut à la caméra, n’est donc plus là où on l’attend : c’est le bâtiment qui bouge, comme c’était le cas dans Chansons du 2ème étage, où, selon les témoins d’une réunion très sérieuse, l’immeuble d’en face se mettait à se déplacer, suscitant la panique Cette idée d’un mouvement de fond s’accroit avec ces visages qui, progressivement, se lèvent vers le ciel, jusqu’au dernier plan qui montre une armada d’avions survoler la ville. À nous de déterminer ce qu’il adviendra, mais dans l’univers d’Andersson, la musique de fanfare qui les accompagne a tout de ce décalage qui faisait déjà la saveur acide du dénouement de Docteur Folamour…
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Créée
le 26 nov. 2020
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