Dans l’agitation d’une salle de boxe, un visage est capté, un visage se précise : celui de Karim, vibrant et ruisselant, que l’on suit après lors d’un match avec tout les rituels de la chose, le pesage, les bandages, la concentration, les harangues, les coups et les cris. À 27 ans, Karim veut devenir boxeur professionnel, mais une blessure au poignet va soudain compromettre sa future carrière. Et puis il y a Faten et son enfant, la belle Faten avec qui il veut se marier. Et pour se marier, il faut un mariage, et ce mariage il faut pouvoir le payer, mais Karim ne travaille pas, n’a pas d’argent et se heurte au scepticisme de son beau-frère. Il faudrait en trouver, du travail, il faudrait se poser, mais Karim c’est la boxe, la boxe et d’abord la boxe. La boxe qui coule dans ses veines, qui le tient, et même avec un seul poignet, et même s’il faut mentir.


Dan Uzan parvient, d’une matière brute quasi documentaire, à construire et à inventer une fiction sur un homme confronté soudain aux choix et aux sacrifices à faire. Loin d’un réalisme social plombant traîné par ces films que l’on s’amuse néanmoins à récompenser (Louise Wimmer, La loi du marché, Fatima…), Uzan privilégie pour son film une approche plus sensitive et plus charnelle, l’univers de la boxe aidant, imposant sans doute cette démarche-là. Sa caméra saisit la beauté de chaque mouvement (le premier plan est à cette image, agité et maîtrisé), compose avec l’énergie de Karim (Karim El Hayani, touchant) et son propre rythme, ses élans, ses ruptures, ses silences.


Elle observe aussi les liens (et les dissensions) entre Faten et Karim, elle posée, lucide quant à l’avenir et leur quotidien, lui entêté, se refusant à affronter la réalité. Son obstination et son attachement, quasi viscéral, à la boxe (jusqu’à décliner un poste d’entraîneur pour enfants, qu’il prendra comme un affront) se heurteront à cette réalité, à celle de tous les jours : réalité de l’argent, des banques, des crédits et des petits boulots, du manque et du moindre (voir la scène, sobre et forte, où l’humiliation de ne pouvoir offrir à Faten une magnifique bague de fiançailles se lit sur le visage de Karim). Uzan ose même un plan final terrible qui vient dire le prix de l’engagement social (un appart, un boulot, une famille, et puis quoi ?...) et évoque nos rêves pas si fous, écrasés pourtant par le poids des compromis.


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mymp
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le 23 janv. 2017

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