Premier film de Jean-François Asselin, scénario co-écrit avec Jacques Drolet,
un drame psychologique parfaitement maîtrisé, pour trois personnages qui devront combler le vide laissé par un architecte disparu subitement, Alex, que l’on ne verra pas, à se demander si celui-ci existe vraiment où s’il n’est qu’une projection de l’esprit, ou qu’une simple histoire de manipulation.
Pessimiste voire malsain par instant, J.F.Asselin distille les éléments nous permettant de saisir rapidement les connexions de ce drame existentiel mais aussi de nous questionner jusqu’au final, avec un suspense sans faille.
Une caractérisation et une description de leurs rapports réussis, et des acteurs inspirés, notamment Robert Laplante (Jean-Michel Anctil), qui tient son personnage haut la main, un des plus intéressants soulignant des choix de vie qui ne lui conviennent pas et qui par la force des choses décidera enfin, de vivre aussi pour lui. On retrouve cette quête de reconnaissance avec Frédéric Venne (Émile Proulx-Cloutier), architecte dépressif qui devra se surpasser et trouvera matière à s’affranchir de son image. Et Myriam (Pascale Bussières) en femme amoureuse et excessive, voire manipulatrice, qui elle aussi devra combler le vide en transformant toutes les personnes de son entourage proches sans vouloir elle-même s’adapter à sa perte...
Quête personnelle et identitaire pour nos trois comparses en conflit avec eux-mêmes où les transformations physique de l’un et psychologique de l’autre placerait Myriam en véritable « architecte » de ces changements (?), pour nous demander jusqu’où pourrions nous aller pour nous soumettre au regard des autres. On se questionnera peut-être nous aussi vis-à-vis de notre dépendance à l’autre, famille, travail à travers ce cheminement, notamment sur la performance et la reconnaissance, et sur le poids à porter pour satisfaire son environnement.
Le mensonge mis en place par Myriam qui fera croire à ses collaborateurs que l’architecte disparu, est toujours en contact avec elle, celui de Fréderic sur le projet, qui fait prendre son travail pour celui d’Alex et l’expert en assurance enquêtant sur la disparition, qui mentira à sa famille pour pourvoir mener son enquête jusqu'au bout, pour un jeu de faux semblants en contrepoint de codes sociétaux bien réels.
Le cinéaste dirige son intrigue vers le fantastique, pour une ambiance thriller particulière. Servie par une belle photo, terne et bleutée, de décors froids, accompagnée de cadrages géométriques bien pensés, et de constructions visuelles architecturales, qui donnent à l’ensemble un aspect ludique et décalé, un premier film à découvrir certainement.
Dans le cinéma Quebecquois il y a souvent une espèce d‘humour à froid que l’on retrouve ici dans des dialogues et situations bien choisis, qui prêtent souvent à sourire, parfaitement sensés, pour quelques clins d’œil à notre nature.
Je conseille également « Mémorable moi » où l’on retrouve le décalage et l’humour particulier pour un jeune homme qui disparaît progressivement dès lors qu’on ne pense pas à lui. Un premier court métrage du réalisateur avec son acteur Émile Proulx-Cloutier où sa caractérisation maniaco dépressive se rapproche du long métrage.