Italie, début des années 1970. Le pays, autrefois prospère, est passé du miracle économique au cauchemar social. En effet, nous sommes en pleines années de plomb, des factions d’extrême droite et des groupuscules d’extrême gauche sèment la terreur dans les rues à coup d’attentats, de rapt et de braquages. Il ne fait plus bon vivre dans la botte … Par conséquent, la frange politique la plus droitière réclame l’instauration d’un régime autoritaire pour remettre de l’ordre. Mario Monicelli, l’un des grands noms de la comédie italienne décide d’en faire un sujet de film. Il entreprend alors de co-écrire et réaliser Nous voulons les Colonels.

Une des grandes forces de la comédie italienne réside dans sa capacité à traiter de sujets sérieux, voire graves, avec légèreté et perspicacité, sans jamais se départir d’un regard critique et acerbe. De fait, Nous voulons les colonels, de part son sujet et son contexte, est une œuvre éminemment politique. Là ou un Costa Gavras aurait signé un film militant et pesant, Monicelli choisit de traiter ce thème d’une manière burlesque et outrancière. Le scénario, assez simple, ressemble à un épisode de Mission Impossible inversé. Un député d’extrême-droite nostalgique des années Mussolini est prêt à tout pour que l’Italie connaisse le même sort que la Grèce. Après avoir organisé un attentat faussement imputé à l’extrême gauche (pour rallier la population à sa cause) il se met à recruter une équipe pour organiser un coup d’état qui débouchera sur une dictature fascisante. Dans la grande tradition des comédies comme Le Pigeon, Nous voulons les colonels suit un groupe de loosers vulgaires et stupides qui échafaudent un plan qui finira par s’écrouler lamentablement comme un château de cartes. Le scénario, qui enchaîne les séquences grandguignolesques dans un rythme trépidant, n’est certes pas crédible mais qui s’en soucie ? Monicelli ne cherche pas la vraisemblance mais souhaite divertir et faire réfléchir son spectateur. Cependant, la caricature est très appuyée, à tel point qu’elle étouffe parfois l’humour. On sourit plus qu’on ne rit, la plupart du temps.

Filmé assez platement et ne nous épargnant pas certains tics de mis en scènes typiques des années 70 (les zooms notamment), Nous voulons les colonels ne brille pas par sa réalisation. Vu son sujet à risque, il n’a pas du bénéficier d’un budget somptuaire, ce qui est confirmé par la scène du camp d’entraînement des jeunes fachos, avec son décor cheap et ses figurants trop peu nombreux. Heureusement, le film est sauvé de son scénario un peu lourd et de sa réalisation basique par la prestation des comédiens, tous excellents dans leur genre. A noter l’interprétation géniale du toujours excellent Ugo Tognazzi dans le rôle principal. A l’époque, tous les long-métrages réalisés en Italie étaient systématiquement postsynchronisés ce qui donne un effet irréel à certaines séquences, notamment celles avec le colonel grec.

Loin d’être une parfaite réussite, le long-métrage porte tout de même un regard pertinent sur la situation politique italienne des années de plomb. Jamais simpliste, Monicelli met dos à dos les extrémistes, aussi dangereux que bêtes, et la démocratie chrétienne, frileuse et incapable. Prenons l’exemple notable de la scène où le ministre de l’intérieur refuse d’intervenir alors qu’il est prévenu du coup d’état imminent, charge sans concession contre les autorités en place à l’époque. C’est bel et bien le portrait effrayant d’une démocratie faible, corrompue et menacée par des radicaux que dresse Monicelli. La fin du film, tout en ironie et en noirceur, met en évidence la fragilité du système. Fidèle à la tradition initiée par Dino Risi, Monicelli semble ne pas prendre partie, si ce n'est celui d'en rire (jaune).

Au final, si Nous voulons les Colonels ne fait pas partie des fleurons du genre, il reste tout de même un agréable divertissement qui a le mérite de faire passer un message satirique sans militantisme et de refléter une époque troublée de l'Italie.
Mathetes
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le 30 juin 2014

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