Je n'aurais probablement pas écrit de critique de ce film si je n'étais pas passé lire quelques critiques dans la foulée.
D'ailleurs, je n'aurais certainement pas regardé ce film si, par truchement de traduction et de suggestions Netflix, je n'étais pas tombé dessus. Donc sans attente, avec un poil de méfiance (Joey Starr et Tomer Sisley au casting, ça inspire que peu confiance et éveille beaucoup d'a priori, peu fondés puisque Joey Starr s'est imposé comme un acteur au moins correct, voire bon, mais qui, comme tout le monde, fait parfois de mauvais choix).
Bref, je ne savais pas que le film allait s'avérer aussi prenant, aussi violent, ni qu'il se dirigeait vers un au huis clos tout en tension, exploitant avec brio les 5 espaces principaux de la boite de nuit, théâtre de ce ballet filmé avec efficacité, malgré les tics de son époque (ô shakycam, comme je te hais).
Tomer Sisley et son pote tentent un braquage de coke en mode drive-by qui tourne mal. Lui se retrouve taillé profondément et son collègue, après avoir buté un des deux truand, laisse s'échapper le second... Le gosse de Tomer est kidnappé, et lui sera rendu en échange de la marchandise, à apporter le soir-même dans la boite du Caid du coin.
L'intrigue, simple, claire, efficace, peut-être un peu maigre au départ, s'étoffe de façon fluide et organique au gré de ce huis clos nocturne, à coups de jeux de dupes, mauvaises décisions désespérées, incidents de parcours, malentendus, fausses pistes.
Le réalisateur joue avec la temporalité du film et avec nos nerfs dans la foulée, sans recours à du Deus Ex Machina et des quasi téléportations typiques des films où le chronomètre tourne, et réussit au final à marier la noirceur propre au polar "à la française" et la dynamique des actioners américains que les productions Besson tentent vainement de singer à coups d'artifices et de pyrotechnie sans jamais en saisir l'essence. (oui, je ne me suis pas remis de la bêtise affligeante de Taken 2, preuve à l'appui : https://www.senscritique.com/film/Taken_2/critique/17894215 )
Imparfait (sans jamais prétendre l'être) sans prétention, le film a le mérite d'exploiter ses personnages et leurs contradictions, de les faire agir de façon naturelle en fonction de leur état psychologique, de leurs convictions et exploite son lieu avec efficacité, joue des tropes du cinéma de genre (oui, normalement, on ne se relève pas après les séries de branlées que se prennent les personnages). Je n'en rajoute pas plus, un bon petit thriller haletant qui réussit à osciller entre deux pôles sans se compromettre.
Et apparaissent les balises spoiler comme par magie, afin de détailler quelques éléments qui semblent avoir perturbé certains. Si vous n'avez pas vu le film, pas la peine de vous aventurer plus bas, je spoile sans vergogne, et tout est dit ci-dessus.
Si Tomer Sisley décide de faire appel au plan "farine", c'est en désespoir de cause, ayant déjà fait preuve du fait qu'il détenait la matière. Le plan est non seulement moins bancal qu'il n'y paraît, mais surtout est une solution de dernière chance d'un père sous le choc qui risque réellement de ne pas revoir son fils autrement qu'en pièces détachées. Donc oui, c'est pas le plan parfait, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, surtout lorsque le chronomètre défile.
D'autres ont critiqué la durée du combat entre Tomer et l'autre flic, le vrai ripoux. C'est triste de ne pas voir à quel point cette baston est chorégraphiée pour sonner "réaliste" tout en exploitant avec efficacité un espace restreint. Pas de jeux de cordes ou d'enchaînements élaborés dont sont friandes les productions asiatiques, mais une baston brutale où chaque coup pèse, sans pour autant sacrifier à l'urgence de celle-ci. Violente, rythmée, intense.
Et j'ai aussi lu à plusieurs reprises des critiques sur la taille de la boite. Les lieux ayant vocation à abriter plusieurs espaces (différents dance-floor, une boite de nuit et un casino, un coté "lounge" et un coté festif...etc) agencent précisément leur espace d'une façon quasi "labyrinthique" pour donner une illusion de gigantisme aux clients, et assurer différentes ambiances dans un lieu restreint. Et oui, il y a des couloirs, des escaliers "derrière le décors" pour permettre au personnel de naviguer d'un lieu à l'autre avec aisance. La magie de l'architecture, en somme.
Je sais bien que j'enfonce des portes ouvertes, mais il semblerait que ce ne soit pas évident pour tout le monde.
Car à aucun moment le film ne triche avec son architecture (me semble-t-il).
Le plus amusant des reproches reste l'intrigue inutilement compliquée... sur lequel je n'épiloguerai pas. Ce serait mesquin. De rappeler que c'est précisément cette "complexité inutile" qui permet d'expliquer les réactions épidermiques de certains personnages, par exemple, et réussit à augmenter les enjeux au gré du déroulement de la nuit sans casser le rythme de celui-ci.
Non, vraiment, ce serait mesquin...