C'est beau. Tristement beau. Poétiquement beau. Désespérément beau. Mélancoliquement beau. Cruellement beau. Tendrement beau.
Guy Gilles livre un Paris à la fois cru (prostitution, marginaux, paumés, ambiance sordide...) et profondément stylisée avec ces plans alternant couleurs et noir et blanc, son montage éclaté, un art consommé pour l'ellipse et la composition des plans... sans non plus tomber dans un maniérisme vain. Un peu à l'image du contexte pop-culture ultra-référentiel (cinéma et peinture essentiellement) mais jamais surligné ni appuyé qui pourrait presque passé inaperçu tant sa caméra ne s'attarde pas sur ces clins d’œil plus ou moins discrètement disséminés.
Cette approche fragmentée (visuelle et narrative) est évidement une traduction de la psychologie torturée et indécise de son héros qui fait une sorte de bilan sur sa vie, ses erreurs, son passé, ses amours, sa passion envahissante, ses errements etc... Un puzzle éphémère, condamné à un échec irrémédiable.
Le film est parcouru par une crise existentielle qui m'a l'air de largement dépasser le cadre cinématographique qui a l'air très auto-biographique voire de testamentaire, comme si Guy Gilles devinait qu'il n'aurait plus la liberté de faire un tel film (ce que la suite de sa carrière semble confirmé). C'est mon premier long-métrage et je ne connais pas sa vie (le livre qui vient de sortir pourrait y aider) donc je peux tout çà fait me tromper mais plusieurs séquences sont en tout cas troublantes (le moment où le retrouve un ami cinéaste et regarde des images de vieux court-métrages). Comme pour compenser ce sérieux introspectif, le film possède aussi beaucoup de courts interludes saugrenus, cocasses ou tout simplement absurdes voire surréalistes (On y trouve d'ailleurs Pierre Etaix dans une apparition qui instaure un léger malaise qui ne manque pas de décalage).
Le revers de la médaille, c'est que le film est aussi un gros fourre-tout qui mixe beaucoup de chose pour un mélange qui pourrait largement paraître indigeste d'autant que les acteurs prennent ce jeu très "affecté" de la nouvelle vague.
Pour ma part, j'ai trouvé ça sublime même si quelques passages sont un peu moins inspirés et que la direction d'acteurs manque donc de naturel.