Au ras du bitume
Michael apprend la mort de son père alors que lui-même n'a plus de contact avec son fils. Il décide de partir avec lui en Norvège où son père a vécu en ermite. Entre le père et le fils, la seule...
le 4 déc. 2017
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Un vieil homme, qui s'est isolé des siens pour aller vivre ses dernières années, solitairement, en Norvège, meurt soudainement. De lui, le spectateur ne connaîtra que sa maison, son ancien métier (chef de chantier) et l'objet de ses derniers soins : un traité de deux cents pages consacré à la construction des tunnels.
Sa mort lancera sur les routes norvégiennes son fils, Michael (Georg Friedrich), aussi renfermé que sensible et expressif ; à défaut d'avoir pu entraîner sa propre sœur, qui renonce à une réconciliation posthume avec leur père, cet homme, dont le nouveau couple semble fragile, est finalement accompagné de son fils, qui ne vit pas avec lui mais souhaite connaître le lieu élu par son grand-père. Ce voyage vers son père mort sera également, pour Michael, l'occasion de tenter un rapprochement avec son enfant, duquel sa précédente rupture amoureuse l'a éloigné précocement. Mais Luis (Tristan Göbel), visage doux et silhouette d'Indien rebelle, entre dans l'adolescence, âge d'affranchissement qui ne va pas faciliter le rapprochement avec un père dont il a appris à se passer. Toutefois, les funérailles puis la mise en ordre de la maison ouvriront sur un périple de quelques jours parmi les lacs et les monts.
Thomas Arslan s'était déjà penché sur la complexité des liens familiaux, dès son premier film, "Geschwister" (1997), mais aussi dans "Ferien, chronique d'un été" (2009), toujours avec une sensibilité et un sens de l'analyse impressionnants. Qualités qui se retrouvent ici, mais conjuguées à celles qui avaient émergé dans "Gold" (2013) : un sens aigu du paysage, de son influence sur le destin des hommes, et de son intégration dans le cadre. Dès ce précédent film, Thomas Arslan réussissait la prouesse consistant à faire éprouver au spectateur enfermé dans une salle obscure l'immensité grandiose des paysages nord-américains, leur pouvoir de fascination mais aussi de broyage et d'anéantissement. La magie opère de nouveau ici, mais au contact des paysages norvégiens qui, en accueillant ce père et ce fils dans leurs étendues et leurs plis, prennent une part active aux retrouvailles qui tentent de se jouer en leur sein.
De magie, il est bien question ici, tant, à travers des actions ou des propos en apparence simples ou anodins, Thomas Arslan excelle à faire ressentir la subtilité, la complexité, l'évanescence de ce qui se joue. Par-delà les conflits, les heurts, les blessures infligées, les brusques éloignements, il parvient à mener l'un vers l'autre ces deux êtres, quitte à passer par Goethe, son poème "Le Roi des Aulnes" et une expérience phorique qui n'aurait pas déplu au grand Michel Tournier... Car non seulement les personnages, mais la caméra elle-même parle, avec Thomas Arslan, selon que, embarquée dans la voiture avec les deux passagers, elle découvre au fur et à mesure un paysage noyé de brume, sans paraître savoir où elle va, ou qu'elle prend de la distance et, au moyen d'une vue plongeante apaisée, contemple de haut la longue route qui s'offre au père et au fils réunis et sur laquelle leur véhicule serpente sereinement.
Un parcours en surface qui est en réalité le reflet et la manifestation d'un long trajet souterrain que le père et le fils auront effectué l'un vers l'autre, et sur lequel le traité grand-paternel consacré à l'art des tunnels aura veillé de façon tutélaire, avec la complicité efficiente des seuls paysages.
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le 9 oct. 2017
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