Saveur de Chine
Jolie bluette d'occupation qui s'étire irraisonnablement jusqu'à un grand écart final des plus ridicules. Ça tient à rien un film. Comme en cuisine, savoir faire monter les œufs en neige, disposer de...
le 30 janv. 2019
Les trente premières minutes m'ont même positivement surpris avec un tournage à Shanghai même (avec quelques stock shots cependant) et surtout une certaine repentance des Japonais envers la Chine, tout en restant un peu flou dans les raisons du ressentiment virulent de Reikan envers les japonais. Celle-ci s'exprime d'ailleurs en mandarin (avec sous-titres japonais sur le côté de l'image), y compris jusque dans une des dernières séquences. Le héros est plutôt de bonne volonté et cherche à comprendre ce qui provoque cette haine tout en recommandant à ses compatriotes de ne pas malmener la population locale, autant par respect que pour ne pas donner une mauvaise image de leur pays. De plus, la première sortie de Reikan dans son ancien quartier montre désormais une ville entièrement rasée et détruite avec de nombreuses victimes civiles. Il y a quelques plans saisissants filmés au milieu des décombres qui renvoie en effet au néo-réalisme avec quelques années d'avance. Une séquence ultérieure montre même deux brefs plans stupéfiant saisi sur le vif où un jeune vagabond en haillon rempli un seau d'eau et un réverbère criblée d’impacts de balles qui laisse deviner la violence des batailles. Et de manières générale, les japonais vivant dans la même pension que Kazuo Hasegawa font preuve de bienveillance et de compréhension envers Reikan/Yoshiko Yamaguchi
Mais rapidement les maladresses commencent à s'accumuler et le film montre rapidement ses limites dans une séquence surréaliste où une japonaise également amoureuse de Kazuo Hasegawa explique à Reikan que la haine réciproque ne sert à rien. Car si Reikan a perdu sa famille dans la guerre, le grand-père de la japonaise a été tué par des chinois... Comme si la Chine avait sa responsabilité dans l'invasion de son pays par le Japon !
Et juste après, Reikan tombe véritablement amoureuse de Hasegawa après que celui-ci lui ai donné une gifle. Yoshiko Yamaguchi qui grandi en Chine et avait tourné plusieurs films surplace sous le nom de Li Xianglan avait mis en garde l'équipe du film que ce geste ne passerait absolument pas pour les Chinois, sans réussir à les persuader de changer la scène. Il va sans dire que ceux-ci prirent la séquence comme une trahison. Il semble même que la condamnation à mort de l'actrice à la fin de la guerre par le gouvernement chinois fut grandement motivée par ce film et cette séquence de gifle en particulier.
A partir de là, [b]Nuits de Chine[/b] perd grandement ses ambitions de "réconciliation" entre les deux pays et part littéralement dans tous les sens : mélodrame, film noir (où les résistants chinois sont montrés comme des gangsters), chansons sirupeuses, images de cartes postales exotique, séquences d'actions guerrières et grand final lyrique.
Pour autant, et même si la seconde moitié est bien trop longue, le film n'est pas déplaisant pour autant. Il faut reconnaître que Osamu Fushimizu connait son métier, ou plutôt ses métiers tant le film change de registre séquences après séquences. Toujours est-il qu'il est plutôt à l'aise dans les moments documentaires, dans l'atmosphère oppressante (Hasegawa au milieu de la foule chinoise des quartiers populaires), l'action (la fusillade dans le night club ; la séquence d'assaut sur le fleuve) et les passages romantiques avec de très jolis extérieurs lors de l'escapade amoureuse sur les bords d'une rivière avec pagode en arrière plan. Sans parler de la bonne tenue de la photographie.
Il est tout a fait conscient de ce qu'il fait et de ce que le film a pour finalité. Y compris dans la fin où les retrouvailles sont filmées d'abord en plan large puis en contre-champ pour bien montrer le rapprochement entre les deux pays. Est-ce donc par méconnaissance de la culturelle chinoise ou par pure naïveté que Nuits de Chine a à ce point sous-estimer la réaction et le rejet du public local ? Les japonais avait pourtant enregistré deux fins différentes il semble et ce fut celle chinoise qui fut diffuser à la Cinémathèque. Dans la japonaise :
Yoshiko Yamaguchi se suicide bel et bien
Il serait intéressant de découvrir les 2 autres films de cette "continental trilogy" formée par le duo Yoshiko Yamaguchi/Li Xianglan et Kazuo Hasegawa : Song of the White Orchid et Wow in the desert tous deux réalisé par Kunio Watanabe. Le premier existe toujours en tout cas.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 100 ans de cinéma japonais - 1ère partie
Créée
le 8 oct. 2018
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