Odyssée burlesque
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Après le succès mitigé du Big Lebowski, les Coen ne se démontent pas et poursuivent dans une comédie dénuée de noirceur, un ingrédient qui a pourtant fait leur succès et défini leur patte, notamment dans Barton Fink et Fargo. Leur nouveau projet aux origines multiples et obscures sera une relecture de l’Odyssée d’Homère, située dans le Mississipi de la Grande Dépression, cavale sociale, culturelle et grotesque d’une bande de demeurés à la tête desquels Clooney, qui fait là son entrée dans la famille des Coen, et pour lesquels il offrira d’autres performances d’idiots notoires dans les décennies à venir.
Chaque film des frangins est un exercice de style, et met à profit la large palette de leur directeur de la photographie attitrée, Roger Deakins. Pour cet opus, la pellicule est désaturée et retravaillée numériquement, pour lorgner du côté des sépias et un jaune dominant, conférant à la couleur un aspect délicieusement vintage, tandis que la bande son va exhumer toute la production de l’époque et occasionner un immense succès à la BO qui va permettre à une grande partie de l’Amérique d’honorer certaines de ses obscures origines musicale.
Sur le terrain de la satire, les Coen s’en donnent à cœur joie : on retrouve leur attrait pout les trognes imparables, un défilé à travers toutes les couches sociales, du KKK aux politiciens en campagne, en passant par les flics sadiques et l’américain modèle candidat à la succession du protagoniste forcé de reconquérir sa femme, schéma type des comédies de remariage. Le ton est enlevé, la farce généralisée, les acteurs toujours aussi bons, avec ce sens aigu porté depuis toujours au langage et aux accents, et qui trouvent forcément dans cet état du Sud de quoi réjouir les oreilles raffinées.
C’est cet attrait pour la forme qui semble dominer tout au long du film, notamment dans la manière dont on s’attarde à diversifier les rencontres (les sirènes, l’aveugle, le bluesman), les costumes et coutumes, les défilés (la congrégation des baptistes, la chorégraphie des membres du Klan…).
L’ensemble est enlevé et rutilant, mais peine néanmoins à trouver une réelle colonne vertébrale, et la succession de scène manque souvent de liant, ce qui nuit souvent à l’effet de certains éléments de comédie qui s’évaporent sans incidence sur l’ensemble.
Au cœur de la filmographie des Coen, le film trouve néanmoins toute sa place : référentiel (sur le plan musical, littéraire, cinématographique, notamment dans son titre clin d’œil au Voyage de Sullivan de Sturges), satirique, tendre, décomplexé et profondément original, il est un chapitre supplémentaire sur la cartographie spatio-temporelle singulière que les cinéastes font depuis toujours de leur pays.
(6.5/10)
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Créée
le 23 janv. 2020
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