Œil pour œil
7.1
Œil pour œil

Court-métrage de Leo McCarey et James Wesley Horne (1929)

La vengeance est un plat qui se mange sans tarder

Œil pour Œil (17 min) – 1929 de James Wesley Horne (supervisé par Leo McCarey)


Laurel et Hardy sont deux colporteurs de sapins de noël qui font face à un client qui ne veut pas de leur produit. Suite à un quiproquo malheureux, ils vont s’embarquer dans une lutte acharnée contre lui.


Le court Œil pour œil est typique des courts du duo : une structure huilée qu’ils avaient alors déjà expérimenté par le passé. La situation initiale, la rupture, le crescendo destructeur (situation incontrôlable). Imparable. La destruction jusqu’à l’absurde… si bien qu’on en oublie le motif originel de la dispute.
Une gradation qui, ici, reste efficace par les moyens mis en œuvre, et le rythme comique de la gradation… Force est de constater qu’il y a quelque chose de jouissif dans cette destruction : tout paraît si simple à démolir, cela donnerait presque envie de faire de même.


Présentons brièvement le réalisateur puisque, quand même, ça se fait et un peu d’Histoire ne fait jamais de mal…


James Wesley Horne naît le 14 décembre 1881 à San Francisco et fait ses premiers pas au cinéma dans les années 1900. Malgré sa collaboration avec Buster Keaton, c’est véritablement sa rencontre avec Hal Roach qui va lancer sa carrière. Au sein de sa société, il va réaliser de nombreux courts-métrages, principalement des comédies dont les plus célèbres sont portés par Laurel et Hardy. Il signe ainsi Œil pour œil en 1929 et Laurel et Hardy au Far West en 1937, pour ne citer que les plus populaires. A la fin des années 1930, James W.Horn se sépare de Roach et travaille avec Ray Taylor, notamment sur le serial Zorro l’Homme-araignée en 1938.


Une brève biographie en appelant une autre…


Stan Laurel est né Arthur Stanley Jefferson, le 16 juin 1890 en à Ulverston en Angleterre, de parents comédiens de théâtre. Il fait ses armes au music-hall avant d’intégrer la troupe de Fred Karno avec laquelle il sillonne le pays. Il se fait voler la vedette par l’acteur star du groupe, devenant un temps la doublure d’un certain Chaplin. Après le départ de l’étoile montante, la compagnie se disloque et Laurel forme The Keystone trio avec deux de ses camarades. Le succès de leurs sketchs l’amènera des planches au cinéma où l’acteur se verra confier le rôle-titre de la série Stan Laurel Comedies. Fort de son succès en tant qu’acteur, il se permet la liberté de passer derrière la caméra. Déjà reconnu comme Gagman talentueux, il se révèlera également en tant scénariste des courts-métrages. Une grande partie de la mémoire de cette époque est aujourd’hui disparue. Pour preuve, sur 60 courts dans lesquels Stan Laurel a joué avant 1927, seuls 17 ont été retrouvés. Eu égard à ces zones d’ombres, il demeure aujourd’hui une certaine méconnaissance de cette période du slapstick américain. Lors d’un entretien pour la revue « l’Ecran Français » en 1947, Laurel déclara « J’ai toujours été metteur en scène de nos films. Les génériques ne signifient rien. J’écris moi-même le découpage technique. ». De fait, il est déjà populaire et prolifique à Hollywood lorsqu’il s’associe avec Oliver Hardy pour former le duo qui le fera passer à la postérité.


Oliver Hardy né Oliver Norvelle Hardy à Harlem le 18 janvier 1892 grandit dans un milieu aisé. D’abord passionné par le chant lyrique, il abandonne cette voie pour s’engager dans des études de droits. Oliver obtient son diplôme mais il ne poursuit pas non plus cette carrière. Durant les années 1910, il enchaîne les quatrièmes rôles et la figuration au cinéma. Il joue des rôles de mauvais bougres à la mine patibulaire et antipathique. Au fil des films, il finit par former son rôle comique non sans avoir tâtonné pour le trouver. Avec Stan Laurel, et après quelques films où leurs personnages sont mis en opposition, ils trouvent leur rythme, ne faisant plus l’un contre l’autre mais ensemble.
Dès leurs premiers films, ils trouvent la formule qui fera leur succès, celle qui fait encore rire aujourd’hui. La structure des films du duo repose sur le principe de la catastrophe poussée à l’extrême. Le constat est imparable : quel que soit l’âge du spectateur, le rire naît de cette suite d’évènements incontrôlables jusqu’à l’absurde. Le principe du slow-burn est au centre de cette mécanique. Dans le déroulement de l’action, Laurel et Hardy créent un instant suspendu qui suscite l’attente du spectateur. La violence est ainsi rompue pour mieux repartir et les réactions en chaînes n’en sont que plus drôles. Il s’agit d’étirer dans le temps et l’espace une situation qui devrait être bornée. Dès lors, tout est affaire de rythme et c’est cette musicalité du timing comique qui les rendra célèbres. Le comique de Laurel et Hardy est comme un jeu d’enfant défiant toute autorité, toute règle sociale, il détruit par la maladresse et le hasard. Tout naturellement, le crescendo est monnaie courante, cela part d’une peau de banane, d’un sapin qui se coince dans une porte ou encore d’un crabe mal placé pour prendre de l’ampleur, jusqu’à déséquilibrer l’ordre établi. La magie opère, le temps dure éternellement, lorsque le panneau « The End » apparaît, le duo est encore en train de fuir la police et n’est jamais puni pour sa maladresse…
Films après films, Laurel et Hardy créent leurs mimiques, leurs marques de fabriques qui font leur renommée. Leur charme agit dans leur numéro de duettiste, Laurel se gratte la tête lorsqu’ il ne comprend pas la situation, Hardy le recadre mais ne maîtrise rien de plus que son compère. Le tandem joue autant avec le spectateur qu’avec eux-mêmes, dans une surenchère constante d’évènement malencontreux échappant à tout contrôle. L’Histoire retiendra d’eux qu’ils s’adressent à tous les publics, par une maîtrise parfaite du rythme comique et une utilisation novatrice du slow-burn qui fonctionne encore aujourd’hui pour notre plus grand plaisir.

Jekutoo
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le 2 juil. 2021

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