Alors oui je sais c'est tout pourri, mal branlé, au delà du Z bricolé avec les pieds et proche du nanar à la fois régional et intergalactique, et pourtant j'ai une si grande et immense tendresse pour Norbert Moutier et son film Ogroff que je n'ai pas envie d'en dire du mal. Ou alors juste un peu, mais comme quand on vanne un pote avec toute la bienveillance potache qui ne cherche pas à blesser. J'ai déjà eu l'occasion de parler de Norbert Moutier dit NG Mount à travers les critiques de quelques uns de ses films comme Trepanator et Alien Platoon mais il était temps de revenir à la source avec son tout premier long métrage Ogroff A.K.A. Mad Mutilator , premier slasher hexagonal, ersatz franchouillard de Massacre à la tronçonneuse mâtiné de La Nuit des morts Vivants dans une ambiance forestière à la Vendredi 13.


Ogroff nous raconte l'histoire d'un ancien soldat devenu fou et qui vit reclus en forêt d'Orléans. Cannibale, défenseur des bois, complètement givré et gardien de morts vivants qu'il cache dans les sous sols de sa cabane, le bûcheron fou tue à grand coup de hache celles et ceux qui osent s'aventurer sur son territoire mais tout en cherchant un peu d'amour quand même.


Ogroff est un film unique en son genre (et tant mieux diront certains) car le film a été entièrement tourné en Super 8 muet, sonorisé en post production et uniquement exploité en VHS après une unique projection au festival du film super 8 de Mad Movies. Doté d'un faramineux budget de 15 000 francs entièrement dépensé pour l'achat et le développement de la pellicule le film se tournera sur plusieurs week-end avec en guise de techniciens et comédiens essentiellement des potes qui gravitaient tous à l'époque autour du monde des fanzines et de la boutique Movie 2000 à Paris. Et il mine de rien y-en, a du beau monde dans ce petit film à commencer par Norbert Moutier lui même qui incarne Ogroff, mais aussi François Cognard, Jean Pierre Putters, Christophe Lemaire, Pierre Pattin, Alain Petit, Bruno Terrier et Benoit Lestang qui donne un coup de main aux maquillages. Ce tournage ressemble à une sorte d'idéal de cinoche pour moi avec une foi indéfectible envers le cinéma de genre, une bande de potes passionnés et dévoués, une liberté totale et folle et cette putain d'envie de passer du statut d'amoureux passif à l'étreinte langoureuse et un peu sale avec le cinéma. Si j'ai une si grande tendresse pour ce type de projet fou c'est que comme beaucoup j'ai voulu moi aussi faire des courts métrages dans ma folle jeunesse avec des potes et des idées plein la tête et que je sais à quel point c'est difficile de mobiliser et d'aller jusqu'au bout de l'exercice. Alors pour un long métrage en Super 8 aussi généreux en désir de cinoche bis, rien que le fait que le film existe toujours 40 ans après, ça mérite mon plus grand respect.


Alors est ce que c'est bien ? Et bien non forcément, mais est ce que c'est si grave puisque l'on passe quand même un bon moment. Ogroff souffre de toutes les tares possibles d'un film fauché avec images cradingues, faux raccords en pagaille, montage elliptique, photographie absente, maquillages amateurs, mauvais acteurs, découpage à la hache, histoire incompréhensible, bande son chaotique et remplissage à grand coup de faux rythme somnolant. Le film ne comporte qu'une dizaine de ligne de dialogues et si l'on retire celles qui sont totalement incompréhensibles et les cris et grognements type : «  Arghhhreoufarghheuhhhhhhh " on doit grosso merdo tomber à cinq lignes tout au plus. Ensuite les ricains peuvent aller se rhabiller avec leurs méchants iconiques, nous on a Ogroff le forestier (cousin de Maxime) avec ses bottes en caoutchouc, son bonnet, son masque en cuir, ses chemises à carreaux, son vélo et ses petites laines. Et si niveau look il n'est pas au top, niveau cruauté en revanche il n'a rien à envier aux pires saloperies vues sur nos écrans ; il débite de la petite fille à la hache et à la scie à bûches, il mutile du bûcheron à tronçonneuse, torture de la chercheuse de champignon, il balance des gros pieux comme des javelots olympique et défonce même des 2CV à coups de masse pour le fun. Faut pas le faire chier Ogroff , ni s'en prendre à la forêt, c'est une sorte de garde forestier de l’extrême et un sacré farceur aussi vu qu'il est capable de tomber du ciel, arriver par la gauche quand il vient par la droite et même de surgir d'un coffre de bagnole comme un diable de sa boîte (mais pourquoi??). Mais il est aussi un peu rigolo l'ogre de la forêt d'Orléans et quand une victime se sauve alors qu'ils marchent tranquillement ensemble à cote de son vélo il peste et il ronchonne et on a soudain la délicieuse sensation de voir Leatherface mais interprété par Bourvil. C'est absolument impossible de raconter tout ce qui se passe d’incongruité dans Ogroff entre la fille captive qui finit dans son pieu comme sa copine, l'arrivée d'un curé vampire interprété par Howard Vernon, des zombies qui sortent deux fois de terre, des morts vivants qui explosent, Ogroff qui enfourche une moto façon chevalier de l'apocalypse, des personnages qui font des poses face caméra … c'est un gros What the fuck permanent, mais tellement réjouissant.


Mais Ogroff n'est pas que pourri de partout, il a aussi des qualités. Norbert Moutier a réalisé son film avec l'envie de faire un vrai film d'horreur glauque et gore très premier degré et forcément même si ce n'est que très parcellaire il en reste quelques toutes petites choses à l'écran. On oubliera les effets spéciaux et les maquillages à base de papier cul, de gouache, de latex et de tripailles puantes récupérées chez le boucher charcutier du coin pour se focaliser sur quelques ambiances tout de même assez poisseuses. Il y-a bien sûr la scène culte avec Ogroff qui se caresse le manche de hache couché sur le lit de sa piaule crasseuse sous des posters de femmes dénudées et de vieux militaires. L'image ultra granuleuse, la lumière crasseuse et l'aspect brut de la mise en scène donne aussi deux trois scènes qui fonctionnent plutôt bien au registre de l'horreur sale comme ce travelling arrière accompagnant une victime qui court sur les chemins forestiers avec l'autre barge à ses trousses (certes très inspiré du film de Hooper). Peut être au regard des autres qui sont assez catastrophiques mais la final girl interprétée par Françoise Deniel s'en sort plutôt bien surtout avec le peu de choses crédibles qu'elle aura à jouer. Amusante également cette idée un peu folle de tête de soldat accroché aux murs de la cabane d'Ogroff façon trophée de chasse et qui prend soudainement vie en sortant les bras du mur pour attraper l'héroïne.


Ogroff n'était sans doute qu'un petit film amateur entre potes, destiné à être visionné entre potes. Le destin du film fait que, en bien comme en mal, on en parle encore quarante ans après sa sortie et qu'un très bon DVD édité par Atus Films il y-a quelques années, malgré sa qualité technique discutable, vienne lui rendre un bel hommage avec un long documentaire rétrospectif dans lequel les principaux acteurs du film reviennent avec malice et émotion sur l'aventure (dommage que Françoise Deniel soit absente). Alors oui c'est pas bien, mais avec la foi et la passion, avec l'amitié comme moteur, avec l'envie viscérale de cinéma Norbert Moutier a réalisé le premier slasher français, une sorte de Loiret Axe Massacre complètement foutraque mais tellement touchant de candeur. Vive Norbert, vive la république, vive les givrés et vive la France !!

freddyK
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le 31 juil. 2024

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