Autre film important dans la carrière de Sadao Nakajima qui, s'il n'a jamais eu la renommée de Kinji Fukasaku va très largement contribuer à l'âge d'or du yakuza-eiga de la Toei. On est ici dans le pur jitsuroku avec une interprétation à l'écran du conflit sanglant qui a opposé différentes factions yakuzas sur l'île d'Okinawa en 1971, alors que l'archipel était en cours de rétrocession au Japon (il était sous dominion américain depuis la fin de la Guerre du Pacifique). On y retrouve les gueules habituelles du genre : Hiroki Matsukata dans le rôle principal, un très sanguin Shinichi Chiba pour lui donner la réplique -- et quelques baffes, Mikio Narita, Tatsuo Umemiya, Hideo Murota, entre autres, pour les seconds rôles, chacun jouant à l'écran un personnage très fortement inspiré des protagonistes réels de cette guerre des gangs. Il faut également noter que le conflit n'était pas terminé au moment de la sortie du film et que certains des protagonistes ou leurs proches étaient encore en vie, ce qui a dû créer quelques remous dans le milieu.
L'histoire est assez classique : différents gangs d'Okinawa forment une alliance pour contrôler l'île et la protéger de l'influence extérieure (comprendre des autres Japonais), sans pour autant mettre de côté plusieurs querelles d'égo entre les hommes ou faire oublier certaines rancunes passées. Un élément totalement incontrôlable (le boss incarné par Sonny Chiba) vient faire basculer cet équilibre précaire et permettre à la très puissante alliance des gangs d'Osaka de s'immiscer dans les affaires locales... Le film est rythmé par une tension constante, des fusillades et un paquet de scènes choquantes : la torture dans le local rideau fermé, le viol de la prostituée, le voyou d'Osaka qui se fait rouler dessus plusieurs fois de suite, le malfrat enterré vivant dans un trou (vingt ans avant Joe Pesci dans Casino). C'est un film qui marque et exalte la violence, jusque dans la façon de filmer au cœur de l'action. Là encore ça nous rapproche beaucoup des films de Fukasaku de la même période.
Du côté de l'atmosphère on retrouve un certain particularisme local, qui passe par la musique, les chants accompagnés du sanshin, l'argot insulaire, ainsi que les nombreux commentaires concernant la réunification au Japon. Ca et une photographie plaisante faisant la part belle aux images de la ville de Naha dans une ambiance très seventies, la disco en prime.
En bref un film burné avec beaucoup de caractère. Si je devais lui adresser un reproche, c'est le personnage grotesque joué par Sonny Chiba : un peu de retenue ne l'aurait rendu que plus crédible.