Film pivot dans la carrière de Fukasaku qui aborde un virage plus nihiliste. Là où les petits voyous de Guerre des gangs à Okinawa, réalisé l'année précédente, cherchaient une nouvelle vie en repartant de zéro sur l'île d'Okinawa, ici le protagoniste, Okita (Bunta Sugawara) est une tête brûlée qui a mal démarré dans la vie : né dans un taudis le jour de la capitulation du Japon (15/08/1945), de père inconnu et de mère paumée, il tombe dans l'univers des petits gangs de rue, de la violence et des viols -- ici montrés de façon explicite -- avant d'être incarcéré pour cinq ans. La prison, loin de le réinsérer, confirme son statut de petite frappe et à sa libération, il retourne exactement là où tout a commencé, répétant ainsi le même cycle.
Ce cycle fataliste est répété à travers plusieurs images : la jeune fille devenue tour à tour victime, prostituée et amante, peut-être à l'image de sa mère ; la boulette de riz qui est un élément visuel choc du viol collectif, que l'on retrouve dans la dernière séquence du film ; Yato (Noboru Andô) l'aîné qui revoit sa jeunesse fougueuse à travers Okita. Même lorsqu'il parvient à gravir les échelons du milieu et est en passe de devenir un yakuza respectable, Okita se sent obligé de retourner aux basses œuvres et à la violence de la rue, comme prisonnier de son destin. On devine sans peine à son caractère indomptable la seule issue possible pour lui.
Une tonalité pessimiste, fataliste, autodestructrice, très bien exprimée dans la séquence finale qui trouvera son écho dans une autre œuvre de Fukasaku, Le Cimetière de la morale (1975) où le personnage principal s'enfonce dans une chute irrévocable au cours de laquelle il poignarde son dernier ami et allié, comme ici Okita avec Yato.
On trouve déjà la patte artistique qui imprimera le style Fukasaku : caméra virevoltante, courses poursuites, corps à corps confus en plans serrés. Belle entrée en matière avant d'entamer le cycle des Combats sans code d'honneur.
Vu en blu-ray chez Arrow.