Okja
7
Okja

film de Bong Joon-Ho (2017)

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Le peuple hébreu venait d'être libéré de l'esclavage. Il se dirigeait vers la Terre Promise, ce paradis terrestre où coulent le lait et le miel. YHWH était avec eux et les guidait. Mais, simplement parce que "Moïse tardait à descendre de la montagne", le peuple se fit une idole, un Veau d'Or. Un dieu de pacotille, symbole d'un pouvoir humain rassurant. Une prétendue divinité qui était incapable de donner aux hommes les satisfactions immédiates qu'ils attendaient. Un dieu qui ne vaut pas plus que l'or avec lequel il est forgé.
Mija, quant à elle, vit dans une sorte de paradis terrestre avec Okja, sa truie transgénique. Les images de la nature immaculée ont une forte dimension paradisiaque. Mais, là aussi, le paradis va être troublé parce que des hommes vont penser à leurs intérêts immédiats. Et le Mal prendra la forme non d'un Veau, mais d'un Cochon d'Or. Un cochon qui est censé remplacer Okja, une compensation du grand-père qui n'a pas pu racheter la truie (mais a-t-il vraiment essayé de le faire ?).
D'un certain côté, tout est là, dans cette scène où, en plein jardin d'Eden, le grand-père donne le Cochon d'Or à Mija. La prédominance des intérêts financiers sur les sentiments. L'opposition entre Mija et Okja, qui représentent une forme d'innocence, et des adultes auxquels, quels qu'ils soient, on ne peut pas faire confiance.
Oui, quels qu'ils soient. Parce que, avec un petit sourire ironique (et ce film regorge de ces petits sourires ironiques du réalisateur), Bong Joon-ho renvoie dos à dos les multinationales de l'alimentaire et les groupes pseudo-écolos qui sont plus intéressés par des coups d'éclats médiatiques que par la défense de la nature.


Certes, on peut trouver que l'attaque contre les multinationales est facile, n'empêche qu'elle fait mouche (et qu'elle doit encore plus faire mouche en Corée, le pays des Chaebol, ces multinationales qui, comme Samsung, depuis quelques années, se retrouvent au coeur de scandales financiers qui ont entrainé la destitution de l'ancienne présidente). Le cinéaste pointe efficacement la schizophrénie d'un système économique cannibale qui s'auto-dévore. Schizophrénie bien représentée par le personnage de Johnny, le spécialiste de la nature qui devient l’icône du transgénique et de la souffrance animale (Jake Gyllenhaal en fait des tonnes et plante un personnage farcesque qui, finalement, colle bien avec un film qui se veut plus une fable ou un pamphlet).
Schizophrène également le personnage de Lucy/Nancy, les deux sœurs incarnées par une formidable Tilda Swinton. Deux personnages qui se disent opposées mais qui sont, dans les faits, parfaitement identiques (d'où l'intérêt de les faire jouer par la même actrice) dans leur volonté de dominer la nature à des fins mercantiles.
La scène d'ouverture est remarquable. Toujours avec ce petit sourire ironique, Bong Joon-ho décortique la comm' des multinationales : on fait attention à l'environnement, on privilégie l'humain, etc, etc. Des discours de façades qui ne parviennent pas à cacher des réalités cyniques et de froids calculs. Faire accepter des OGM sous le seul prétexte que l'on ne produit pas assez pour nourrir toute la planète ? Faire la distinction entre ceux qui pourront prendre de la bonne nourriture et ceux qui auront de la viande trafiquée en laboratoire ?


Comme dans toute fable, Okja essaie de nous ouvrir les yeux. Certes, les procédés sont parfois lourds, mais le résultat final vaut le détour. Le cinéaste fait un film qui est un grand divertissement, tour à tour émouvant et drôle. Certaines scènes sont absolument remarquables, comme la course-poursuite dans Séoul, qui parvient à être à la fois hilarante et constamment sous tension (et soutenue par une excellente musique). Et les effets spéciaux sont uniques, un travail d'autant plus beau que Bong Joon-ho ne fait pas un film pour des effets spéciaux, mais fait des trucages pour soutenir son scénario. N'empêche, c'est la première fois que des CGI parviennent à être émouvants, et cela prouve un travail admirable aussi bien des techniciens, des comédiens que du réalisateur.
Au final, on a assisté là à un très bon film, pas exempt de défauts mais émouvant, prenant, divertissant et touchant sa cible.

SanFelice
8
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le 5 juil. 2017

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SanFelice

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