La belle et les bêtes
Okja est un conte : à partir du moment où l’on accepte ce présupposé, on peut être en mesure de l’apprécier. Après une ouverture assez ébouriffante calquée sur un clip marketing adepte du Green...
le 22 mai 2017
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Okja, de part son statut de premier film Netflix confié à un grand réalisateur, coréen qui plus est, se retrouve dès le départ dans une position particulière. Inutile de revenir sur le débat de l'époque quant aux notions de distribution, même si elle trouverait un écho particulier dans la situation actuelle (nous sommes le 15 décembre 2020, les salles auraient dû rouvrir aujourd'hui , mais elles sont plus dangereuses et moins essentielles que les centres commerciaux bondés).
La question que l'on pourrait se poser en revanche est la suivante : 3 ans plus tard, d'autres grands ont bossé avec Netflix, et si ils sont souvent appréciés, voir presque acclamés, le peu de projets que j'ai vus étant issus de ces collaborations ne me semblent pas être plus que l'ombre du travail de leurs créateurs. En admettant cela, ce schéma était-il déjà amorcé avec notre patient zéro : Okja donc !
Tout d'abord la direction générale du film peut surprendre lorsque l'on connaît un minimum le travail de Bong Joon-Ho, si le sujet offre des similarités avec The Host, le traitement serait presque aseptisé, et si la pilule du divertissement familial hollywoodien passe plutôt bien dans la première partie, ça se corse assez rapidement. En fait tout les défauts et contradictions du film sont déjà plus ou moins là, mais jusqu'à la scène des parapluies, sans doute le plus, et certainement le dernier, beau moment du film, ça reste du domaine de l'acceptable, du plaisant même.
Ainsi la poursuite, invoquant Kusturica de par sa musique tout en posant, l'air de rien, tout le génie de la mise en scène de Bong Joon-Ho, est un vrai bonheur, mais très rapidement tout ça retombe, d'autant plus après cette scène. Car c'en est la qualité en même temps que l'un des gros défauts du film : après ce passage on se souvient pourquoi on aime tant le réalisateur de The Host et de Memories of Murder : parce qu'il nous surprend, autant par ce qu'il raconte que comment il le raconte. Sauf qu'Okja ne nous surprendra plus ensuite, ne se basant plus que sur des mécaniques basiques et une bonne mise en scène tournant un peu à vide.
À partir de là le grand écart se poursuit entre un fond un peu casse gueule et une forme ayant des impératifs, le plus parlant étant certainement le non-sens d'une fable écologiste remettant en question nos sociétés actuelles (surconsommation, dictature de l'image dans l'instant) tout en étant produit par les princes de l'entertainment et dégueulant le placement de produit de la pomme.
Ensuite, même en admettant l'argument du conte, le manichéisme de foire tend à faire perdre toute crédibilité au propos. De même que le choix de montrer des abattoirs, certainement gentillets face aux vrais, qui perd en force étant donné que les animaux sont de toute façon tous en images de synthèse. Pour ce qui est de la tacle, entièrement assumée, envers Mosanto on comprendra que le sujet ai été inventé plutôt que pioché dans leurs diverses activités et exactions avérées.
Et puis arrive la fin,
puis même l'après générique, et ces deux moments synthétisent toute l'indécision du film, son absence de choix entre discours et pose. Lorsque le générique se lance le film se termine sur une situation faussement joyeuse, Mija a pu récupérer Okja, grâce au super pouvoir de l'argent, et Mirando a donc gagné sur tous les tableaux, s'étant enrichi avec Okja, les autres supers cochons seront commercialisés, et les produits achetés car "même si c'est de la merde, si c'est pas cher ils achèteront". Bref, la société écrase même les plus idéalistes en leur offrant juste un peu de ce qu'ils veulent, rideau, presque une vrai fin à la Bong Joon-Ho...
Mais non !! On nous rajoute le retour des gentils qui repartent au combat dès qu'ils en ont la possibilité, et franchement quitte à choisir je préfère une dépression justifiée à une happy end par sms !
En fait Okja est à l'image... d'Okja, il est rigolo, mignon, voir touchant, mais il a des grosses papattes, ne sais pas trop où se mettre et reste un produit de consommation.
Donc pour répondre rapidement à la question que je posait plus haut, de mon point de vue Okja annonçait totalement ce schéma Netflix/auteur, Bong Joon-Ho est un cinéaste, certes grand public, mais aussi politique. Et il sait distiller son propos de manière forte, subtile et réfléchie, ici, et j'en ignore la raison, son talent n'aboutit qu'à du consensus cinématographique, ayant de grandes ambitions mais n'allant pas au bout de sa démarche.
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Créée
le 16 déc. 2020
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