Son of a beach
A chaque fois, on nous refait le même coup, quand il s'agit de M. Night Shyamalan. Avec Old, comme cela devait déjà être le cas avec Glass, The Visit et presque tous les autres depuis Le Village, on...
le 24 juil. 2021
53 j'aime
4
M. Night Shyamalan continue son éternel retour en tirant une nouvelle cartouche rutilante là où nombreux sont ceux à lui prêter un barillet déjà vidé depuis longtemps.
Un film rutilant mais qui, il faut le dire, se rangera davantage dans une ligue plus mineure avec une place toute trouvée auprès du précieux The Visit. A partir de cette prise de conscience là, notamment amenée par une mise en situation à toute allure, le plaisir n’a plus qu’à nous parcourir au visionnage de cette histoire de survival balnéaire. Survival centré sur une plage qui se révèle être (sans spoiler davantage que la seule bande-annonce ici) un accélérateur de petites ridules bien embêtant.
L’histoire est adaptée de la bande dessinée Château de sable de l’auteur Pierre-Oscar Lévy et du dessinateur Frederik Peeters (une BD d'à peine une centaine de pages, cette concision narrative pouvant expliquer celle du film). Celle-ci avait été offerte à Shyamalan par ses filles il y a de cela quelques années, il a adoré, il en a fait ce film. Si tout pouvait toujours être aussi simple. A la différence du tournage qui apparemment n'aura pas été une mince affaire de logistique puisque filmé en pleine saison des ouragans en République dominicaine (https://www.youtube.com/watch?v=aj312PIVWlA).
Life's a beach
Le récit qui va se dérouler restera d’ailleurs toujours simple à appréhender de par sa linéarité, le tout étant une grande marche en avant forcée pour les personnages qui devront comprendre ce qu’il se passe pour commencer à essayer de trouver une solution. Le vieillissement des uns et des autres apporte une dimension plutôt viscérale, quelque peu philosophique et par certains moments grandement émotionnelle.
Shyamalan n’est pas là pour pousser tous les curseurs de l’horrifique (c'est moins un film d’horreur qu'un thriller fantastique) et ouvrir des valves de twists pour provoquer de grandes embardées. Il sait probablement très bien, en tant que raconteur hors-pair, la vanité de telles démarches. Il n’a pas non plus des heures de pellicule à nous vendre pour développer son histoire, là où avec sa série The Servant il peut se permettre de faire infuser ses retors scénaristiques.
Il s’en tient donc à une réalisation à l'os, non pas sans style quand il s’agit de sous-entendre complètement en hors-cadre les poussées de croissance des uns, la déliquescence des autres et les évanouissements d’à-peu-près tout le monde. Il y a même un segment du film (le deuxième quart), où tout s’accélère encore un peu plus, et qui paraîtra un peu ingrat, saccadé par certaines ellipses qu’il s’agit d’avaler à la volée mais qui aura ainsi le don de nous décontenancer et de nous désorienter en parallèle des personnages. De plus, grâce à ce montage à sec, cette plage demeurera mystérieuse d'étrangeté en ce qu'on n'arrivera pas facilement à se recréer la carte mentale du lieu, même si le décor central ne se résume qu'à de la roche, du sable et de l'eau.
La mortalité retrouvée
Encore mieux, même si jetées dans ce contexte fantastique forcément peu naturel, les interprétations parviennent à tenir la distance de l'uncanny valley imposée et à habiter avec grâce les cadres épurés et les amples mouvements de caméras dont semble se délecter Shyamalan. Certaines séquences pouvant d'ailleurs relever de l'expérimentation visuelle avec ce que cela peut avoir de convaincant (le "un, deux, trois, soleil!" virevoltant) mais aussi de plus mitigé (certains évanouissements formellement plus farfelus). On pourra soupçonner la version originale d'être d'autant plus convaincante, notamment parce qu'à un moment le personnage de Thomasin McKenzie chantera -l'occasion d'entendre sa voie anglaise à elle, duveteuse et suspendue- et nous de ressentir la présence d'interprétations semblant d'autant plus touchantes sous le mascara du doublage.
Pour ce qui est de la fin, twist ou pas twist ? Il serait malvenu de le préciser ici, ce serait un spoil en soi. Mais disons que la fin ne fait pas d’ombre à ce qui l’a précédée et inscrit le film dans une dynamique "grand public". On précisera juste que Shyamalan ajoute à son histoire des éléments absents de la BD et qu'il n'avait pas arrêté, encore deux semaines avant la sortie, le dénouement de son film (même si cela devait être ici plus une affaire de montage qu'une direction narrative à trancher).
1h48 plus tard le temps a passé, le plaisir a été consommé, un plaisir moins de cinéphile qu’un vrai plaisir de spectateur, ce qui démontre la visée populaire du cinéma de Shyamalan même s'il ne rencontrera qu'un succès commercial et critique très relatif par rapport à d'autres films. Cependant, ayant lui-seul financé avec de petits budgets ces 4 derniers films dont Old, il s'y retrouvera plutôt bien sur l'ardoise finale des dépenses et des recettes.
En définitive, il ressort de ces frissons émus et de ces visions saisissantes sur le temps qui s'enfuit, un film sans faste et fringuant comme une première réalisation et dont la beauté du geste empêche de regretter la double injection aujourd'hui nécessaire pour fouler les cinémas du pied. D’ailleurs, de ce film, j’en reprendrai bien une deuxième dose.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces films qui traînent sur mon étagère, Les meilleurs films de M. Night Shyamalan, Films vus/revus en 2021, Les meilleurs films de 2021 et Les meilleurs films avec Thomasin McKenzie
Créée
le 21 juil. 2021
Critique lue 2.2K fois
22 j'aime
11 commentaires
D'autres avis sur Old
A chaque fois, on nous refait le même coup, quand il s'agit de M. Night Shyamalan. Avec Old, comme cela devait déjà être le cas avec Glass, The Visit et presque tous les autres depuis Le Village, on...
le 24 juil. 2021
53 j'aime
4
Cher Monsieur Shyamalan, Vous savez, je n'ai rien contre vous à la base. "The Sixth Sense", "Unbreakable", "The Village", voilà, ce sont des films devant lesquels j'ai passé un bon moment. La fin...
le 23 juil. 2021
38 j'aime
Sur une plage, des vacanciers s'aperçoivent que le temps s'écoule différemment. Le retour de Shyamalan ? Pour être direct, Shyamalan est un cinéaste inégal très difficile à jauger. Parfois génial,...
Par
le 25 juil. 2021
38 j'aime
9
Du même critique
(Attention aux spoilers éhontés) Douloureux d’un marketing enclin à jouer les précieuses ridicules (au point de livrer des affiches pleines de trous censées garder le secret de soi-disant orgasmes...
Par
le 17 déc. 2021
49 j'aime
39
"No, I'm not homeless, I'm just... houseless, not the same thing, right ?" - Fern Chloé Zhao, d’origine chinoise et vivant aux Etats-Unis, signe avec Nomadland un film d’une ambition cachetée...
Par
le 1 janv. 2021
35 j'aime
5
Parabellum commence là où le deuxième volet finissait. John Wick est épuisé, tailladé de partout, mais il doit combattre une armée d'assassins dont chacun espère bien décrocher les 14 millions de...
Par
le 18 mai 2019
32 j'aime
4