Le cinéma sud-coréen a quelque chose d'assez fascinant. Il faut bien avouer que dès les premières minutes d'un de leurs films, je me sens déjà dépaysé. Dans cette région du monde, les codes de narration diffèrent largement des normes mainstream hollywoodiennes. Ils adorent prendre leur temps, poser des ambiances et rompre le ton d'une scène.
Ainsi, lors d'une scène comique, le dramatique vient régulièrement s'inviter et inversement, le burlesque vient souvent s'incruster au milieu de passages dramatiques (The Host). L'avènement de ce cinéma a d'ailleurs fait quelques émules. Le réalisateur américain Jim Mickle a déclaré s'être inspiré de ce trait de caractère pour réaliser son Cold In July.
Et ils ont aussi un jeu très intéressant avec les regards caméra qui impliquent directement le spectateur...
Il y a deux grands réalisateurs qui ont participé à cet age d'or du cinéma coréen et qui ont permit au grand public de s'y intéresser, Bong Joon-Ho, auteur virtuose qui aime poser son ambiance jusqu'à ce qu'elle vous colle à la peau et Park Chan-Wook, auteur du triptyque de la vengeance.
J'adore Park Chan-Wook (ou Chanwook Park à en croire le générique du film dont nous allons parler). En plus des spécificités de narration et de cadrage liées à son pays, il a réellement acquis une manière de faire des films qui les rend naturellement fascinants et attachants. Comme tout grand cinéaste, il s'inspire de tout ce qui ce fait ailleurs dans le monde pour le ré-insuffler de façon cohérente dans son long-métrage (à la manière d'un Tarantino tordu... Un Tarantordu). On est souvent surpris de trouver ainsi parsemés des codes de western, de film français, coréens etc...
Ce que je trouve très intéressant avec Old Boy, c'est qu'en plus d'être un OVNI dans le monde et dans son pays d'origine, il l'est aussi dans la filmographie de Park Chan-Wook. En effet, cet épisode est censé être le centre du triptyque de la vengeance, après Sympathy for Mister Vengeance et avant Sympathy for Lady Vengeance (rien qu'aux titres, vous sentez l'anomalie ?), deux scénarios originaux tandis qu'Old Boy, lui, est l'adaptation d'un manga.
Mais je me perd, il est temps de parler du film. Ce qu'il a de grandiose, c'est d'avoir réussi à mettre tout le monde d'accord. Montrez-le à un fan de cinéma d'action hollywoodien, il en sortira conquis, montrez-le à un critique quarantenaire de films de Chabrol, il sera aussi ravi. Car en effet, Old Boy est un thriller, un polar d'une rare qualité, possédant un scénario solide et une intrigue fascinante. Mais surtout, le tout est orchestré par un véritable auteur et metteur en scène qui gère ses effets tout en leur donnant du sens. Chaque détail, chaque choix de casting a un sens.
Mais outre tout le sens que l'on pourrait donner aux choix de réalisation, ça rend surtout Old Boy extrêmement fluide. On ne s'ennuie jamais et c'est aussi là que le film devient grandiose : On a là un film d'auteur divertissant.
Et maintenant, le propos. En le plaçant au centre de son triptyque, qu'est-ce que le réalisateur a cherché à nous raconter sur la Vengeance ? Eh bien c'est l'histoire de deux points de vue pas si différents les uns des autres. Le premier point de vue, celui du "héro" est que le désir de revanche pourrait être un tremplin pour se repentir, s'améliorer et devenir quelqu'un de meilleur. A de nombreuses reprises, on se rendra compte qu'il en est loin. Celui du méchant ne s'en éloigne pas trop : Le désir de vengeance est un moteur pour l'âme qui vous permet de tout supporter et de survivre à tout.
Au final, on se rendra compte qu'en réalité, ce désir n'est qu'un long refoulement qui retarde l'échéance avant que la peine vous submerge et vous tue.
C'est très intéressant à suivre, surtout lorsque ce propos alimente un scénario absolument génial.
L'idée de base est très simple. On suit un homme, enfermé contre sa volonté pendant 14ans et 11mois dans une pièce. Lorsqu'il sort, sa seule idée est de se venger mais il se heurte à un homme énigmatique, manipulateur et présent à chaque instant.
Durant son enfermement, notre héros (Oh Dea-Su) apprend que sa femme a été assassinée, qu'il est le principal suspect dans l'enquête et que sa fille de cinq ans a été placée en famille d'accueil.
Ainsi donc, nous allons, nous spectateurs, suivre l'enquête sur les circonstances de son enlèvement et le retour quasiment impossible du héros dans le monde extérieur.
J'en profite vite fait aussi pour placer un mot sur la musique qui est absolument grandiose.
Mais là où Old Boy excelle, c'est dans la gestion de son climax. Montée progessive de la tension, on donne les réponses au compte-goute, la musique suit l'action à merveille et puis...
...Une plume dépasse...
L'horreur nous saisit, on est pas tout à fait certain de ce qu'on a vu et pourtant le doute est là. On a peur pendant que cet enfoiré de méchant nous fixe dans le miroir avec un sourire complaisant, lui, il connait la vérité. Notre coeur palpite tandis que l'on avance doucement vers la vérité.
Et puis vient la/les révélations. Et là, c'est à toi, spectateur de choisir si oui ou non tu as aimé le film.
Finalement, la fin fait avant tout appel à notre ouverture d'esprit, notre empathie et notre humanité.
Old Boy est un produit rondement mené, mais il y a deux passages qui sortent réellement du lot : les quinze ans d'enfermement et le climax (le début et la fin en fait...).
En bref, je vous conseille Old Boy, je vous conseille Park Chan-Wook et je vous conseille de vous pencher un peu sur ce qui se fait en Corée du Sud. Comme tout le monde le sait, il existe une version américaine à ce chef d'oeuvre. Je vous la conseillerai à moins de cinq euros après avoir vu celui là. Pour comparer et RIEN D'AUTRE (ou si vous cherchez une version beaucoup plus accessible de ce film).