Situé sur les plans chronologique, géographique et thématique entre deux "stories of the south seas" signées Robert J. Flaherty, "Moana" et "Tabou", "White Shadows in the South Seas" se présente comme une variation sur le thème du récit à caractère ethnographique dans les îles polynésiennes. Deux différences majeures toutefois. Déjà, Flaherty démissionna de son rôle de réalisateur en plein tournage suite à des divergences artistiques et techniques (en gros, il était trop lent et trop à cheval sur l'implication totale de l'équipe dans la culture locale, désireux d'employer des natifs de l'île comme acteurs et non des professionnels), laissant W. S. Van Dyke seul sur le coup pour terminer la prise d'images. Et puis on est manifestement un cran en-dessous sur le plan de la poésie des îles, avec le personnage du médecin blanc à la rencontre des populations indigènes — créant une célèbre ambiance de paradis perdu très différente de celle des autres films de Flaherty concernés.
"Ombres blanches dans les mers du sud" conserve cependant un charme résiduel non-négligeable grâce aux conditions de tournage (5 mois à Tahiti et premier film tourné en Polynésie française) qui exploitent largement les particularités de la région : pêche sous-marine (avec de jolies séquences tournées sous l'eau), récolte de noix de coco, et diverses manifestations culturelles qui participent à la création d'une atmosphère singulière. Mais ce serait tout de même oublier l'accent mis sur l'observation désabusée du protagoniste vis-à-vis de l'exploitation opportuniste par les blancs au comportement parfaitement colonial, ce qui causera l'éloignement de ce dernier à mesure que le conte moral prend de l'ampleur. Certains dialogues (via les cartons, le film étant sonorisé mais pas parlant) sont très explicites à ce sujet : "When I see what my race has done to these natives here, I am ashamed - - ashamed of being white!" dira le médecin échoué et dépité. Ainsi se superposent la poésie exotique des lagons et l'imposition brutale de la culture occidentale sur ces terres vierges, avec toutes les tares imaginables.