Cette amusante comédie teintée de surréalisme est également un portrait truculent des Chilangos (habitants de Mexico) durant les années cinquante. On pourrait presque penser à un documentaire sur la classe modeste de la capitale mexicaine. On peut aussi s'interroger sur le sens de ce tramway dérobé, qui traverse cette ville en toute illégalité. C'est premièrement, sans doute, une métaphore du cinéma de Buñuel, qui sort des sentiers battus et qui échappe à toute norme et règle. On peut aussi dire que l'épopée du véhicule est similaire à celle du Cinéma, tant le parallèle est frappant. En effet le groupe d'enfants monte dans le tram' devant une salle de cinéma et en ressort sur les lieux d'un tournage, et la comparaison entre les rails du train et ceux de la caméra pour les travellings n'est pas innocente.
A cela s'ajoute un autre aspect de La Illusion viaja en tranvia, celui de joindre la fiction au réel, Buñuel veut par son film nous montrer la vie quotidienne de cette époque. Cette vie quotidienne on ne la retrouve que sur les bords des rails, que sur les trottoirs, que le tram' ne fait que croiser. Si ce tramway est le cinéma, ce dernier nous détourne de la vie quotidienne de nos semblables par le rêve, il nous embarque loin des crises et autres marchés noirs, courants au Mexique dans les années 50.
Ce tram' n'est pas dépourvu d'aspect social, c'est un véritable microcosme où sont mélangées toutes les classes sociales mais il est le contrepoids du réel et l'emblème de l'évasion au cinéma. Il est une véritable utopie, une utopie qu'on peut aisément rapprocher de celle du communisme comme le souligne l'américaine insultant les deux bandits.
On expulse en effet les bourgeois et autres nobles qui refusent la gratuité du transport et tiennent absolument à payer (Buñuel pousse même le trait en mettant en scène des riches qui insistent auprès des hors-la-loi pour qu'ils leur volent leur argent.). Les rôles sont facilement interchangeables, tout voyageur peut à son tour devenir conducteur et vice-versa. Tout cela se rapporte évidemment au gouvernement communiste dirigé par le PRI (Partido Revolucionario Institucional) au pouvoir durant 70 ans au Mexique.
Le seul garant de l'ordre public, Papa Pinillos, (qui veut dénoncer les deux voleurs à la compagnie), est d'ailleurs considéré comme un intrus par les deux bandits, par nous-même et aussi par Buñuel. Il le présente comme un vieillard, le fait mourir avant la fin du film, le fait ressusciter, puis bafouer par la compagnie (retour à l'ordre comme si rien ne s'était passé, il passe pour un menteur). L'illusion du tram' est terminée et laisse place à l'illusion de la société.
On a volé un tram' est finalement le but de tous les hommes, de réaliser un rêve même s'il faut pour cela passer par l'illusion. Luis Buñuel, traite cela de façon légère, insouciante et heureuse, comme à son habitude, ce n'est pas sans rappeler certaines comédies italiennes ou encore un autre de ces films Subida Al Cielo (La Montée au ciel).
z0uan
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le 5 févr. 2012

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