Même si Mankiewicz a d'innombrables synapses à connecter, il n'installera personne sur le billard. Sans l'ombre d'un scalpel, les pelotes de neurones emmêles deviendront d'autres pelotes emmêlées, bizarres, évidées de trous inédits, comblées de nouveaux ponts.

Inutile de toucher aux cellules elles-mêmes, ces précaires fragments de corps déjà en décomposition dont l'existence suffirait à agiter d'un rire flegmatique l'organisme inoxydable de Cary Grant ; laissons les cadavres, il s'agit plutôt de grands axes effrayants, la vie, la mort, le rien, et autres friandises. Images et sons suffisent.

Prenez un chien. Noah Praetorius sprinte à l'horizon dès qu'apparaît cette gueule de dents étrangement placée tout à l'avant, pleine de l'idiotie de trop être une arme. Se prendrait-on d'amitié pour quelqu'un qui mord les doigts qui passent à portée ? Parfois oui, parce que les amis se reconnaissent ailleurs, hors de ce macabre circuit qui fait rire les squelettes et compter les pauvres gens.

Donc d'un bout à l'autre il y a de quoi haleter : sur l'écran la progression parcourt adroitement une fine marge, celle entre les deux excès, la vie et la mort. Dans l'une ou dans l'autre, vie ou mort, rien ne dit qu'on s'y tiendra pour toujours, quelque part des petits trains continuent peut-être à avaler les rails. Entre les deux, la pellicule avance vaillamment, elle ne revient pas deux fois dans le même décor, ou bien les lieux ont changé d'allure : l'orchestre s'échauffe, puis le concert a lieu : on est passé de la répétition à la représentation. Et comme par hasard, des lignes autonomes se synchronisent, musicales ou ferroviaires. Il faudra tout un film pour s'y retrouver, le temps de définir les rôles.

Un chamboulement discret a opéré. Après un bonbon, le docteur prépare la choucroute, garantie sans emballage plastique.
poulet
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste 1950s

Créée

le 25 févr. 2014

Critique lue 746 fois

15 j'aime

5 commentaires

virgule virgule

Écrit par

Critique lue 746 fois

15
5

D'autres avis sur On murmure dans la ville

On murmure dans la ville
Kalian
9

Ris, ô Currie.

Où l'on suivra les aventures d'un docteur aux méthodes originales (il cherche plus à soigner le patient que la maladie proprement dite, quitte à user de techniques aussi saugrenues que la psychologie...

le 16 juin 2011

38 j'aime

11

On murmure dans la ville
Gizmo
8

Docteur Maboul

Un film étrange et complexe. Des moments vraiment réussis, de bons acteurs, des scènes visuellement loufoques, un chapeau en faisan, un chien nommé Beelzebub, de la crème et du lait, des atomes, des...

le 9 avr. 2011

37 j'aime

8

On murmure dans la ville
poulet
10

Petite gynécologie de l'esprit

Même si Mankiewicz a d'innombrables synapses à connecter, il n'installera personne sur le billard. Sans l'ombre d'un scalpel, les pelotes de neurones emmêles deviendront d'autres pelotes emmêlées,...

le 25 févr. 2014

15 j'aime

5

Du même critique

Quai des Orfèvres
poulet
3

Hmm... Un film de merde sur des cons.

Ha ha ha mais mais mais mais qu'est-ce que c'est que cette moyenne ? Tant de gens ont mis Quai des orfèvres dans leur top 10 ? PERSONNE n'a mis moins de 5 ? Hum hum, c'est incompréhensible. Enfin...

le 7 sept. 2013

36 j'aime

26

The Clock
poulet
8

Le film qu'il sera demain à la même heure

L'avantage de ce film, ce qui le rend au moins supportable pour les bougons allergiques à la plupart des œuvres postérieures au Second Empire et les empêche de partir au bout de dix minutes de...

le 20 juin 2014

33 j'aime

4

Les Frères Karamazov
poulet
8

Le papa de Dieu

"Si tu te souviens la nuit, avant de t'endormir, que tu n'as pas accompli ce qu'il fallait, lève-toi aussitôt pour l'accomplir." Dostoïevski sait aborder de grandes questions existentielles tout au...

le 10 mai 2014

28 j'aime

15