Herman Yau est presque une institution à lui tout seul au vu de certaines œuvres de sa filmographie. Avec On the Edge / Hak Bak do (2006), il nous montre qu'il reste un bon cinéaste mais un cinéaste inégale. En ce qui me concerne, On the Edge c'était le film tant attendu. Le pitch donne l'eau à la bouche. Le casting impressionne (Nick Cheung, Francis Ng et Anthony Wong) et lorsqu'on connaît le nom du réalisateur aux commandes, on est en droit à s'attendre à du lourd. Le film n'est pas une déception en soi, certes mais le film manque de ce petit quelque chose qui aurait fait de lui un grand film. D'autant plus que dès le début, on sait à quoi s'attendre. Herman Yau joue carte sur table. On sait dès lors qu'il n'y aura pas de happy-end, pas pour nous déplaire. Nous sommes prévenu...
Il y a peu ou pas de film qui a ma connaissance traite d'un tel sujet : le retour d'un flic infiltré à une vie normale après avoir navigué dans les eux troubles de la pègre. Herman Yau en fait un constat somme toute poignant avec le personnage interprété par Nick Cheung dont le jeu est en demi teinte. C'est en cela que le film de Herman Yau est intéressant et fort d'une certaine manière. Un drame qui mélange à la fois un univers de triade et un univers de policier qui place avant tout l'humain au centre. Un être humain souffrant d'un manque de repère. Un être humain noyé dans ses interrogations. Huit ans d'un passé de malfrat humilié par la police, menant une vie à cent à l'heure entre fête et règlement de compte. Entre une petite amie vivant de la nuit et des frères d'armes sur qui il peut compter. Une fois que la fête est finie le retour à la réalité est des plus brutale.
Redevenu flic, il n'est pas considéré par ses collègues policiers comme un "vrai" flic parce que trop longtemps mouillé dans des histoires illicites. Un manque de communication s'instaure alors et tous remettent en gage son honnêteté. Il retrouve un appartement vide et poussiéreux où trône un diplôme et une photo, seuls reconnaissance de cette mission. Surtout, il a trahi (ses amis malfrats qui le perçoivent comme un traître) et se sent trahi par les siens (la police) qui le suspectent en permanence via des surveillances. Sa petite amie (également trahie) est tiraillée par son amour pour lui et un style de vie qui lui convient. Elle le vomi donc à moitié. Oui, Herman Yau réalise un film profondément humain où les intrigues mafieuses et policières sont mineures comparées à ce qu'il tente de raconter : oublier huit ans de sa vie et tout recommencer à zéro. Savoir jusqu'où vont les limites de l'identité, encore plus lorsqu'on ne sait plus qui on est.
Je ne reprocherais pas à On the Edge son manque d'action car le but n'était pas là donc il faut prendre le film pour ce qu'il est. On pourrait reprocher au film de Herman Yau son impact émotionnel quasi absent. Il y a peu de surprise sur la tournure des évènements, la faute sans doute à la scène d'introduction. Lorsque ce n'est pas des personnages de flics et de voyous caricaturaux. On pourrait également ajouter que le cinéaste hongkongais n'a pas (su ? voulu ?) développer une narration plus intimiste. On sent une distance qui gâche encore l'aspect émotionnel. La dernière partie du film en plus d'être sans surprise manque cruellement d'imagination et l'on en sort déçu. Est-ce un manque d'audace ? Le sentiment qui persiste c'est que le réalisateur également scénariste avait la bonne idée de départ, sans trop savoir de quelle façon il ponctuerait la chose. Si ce n'est la mort du personnage principal. Du coup, on expédie une fin à la va vite sans inventivité, dommage.
On the Edge de Herman Yau ne va pas assez au bout des choses, je parle ici de la crise d'identité que vit le protagoniste. Il y manque indubitablement une force, un impact qui décevra le plus grand nombre. Malgré ce fait, le film vaut pour ce sujet, pour cette histoire peu racontée, cette dualité. Le film est à voir parce qu'il crée une ambiance particulière, celle d'un homme seul qui est pourtant si bien entouré.
Les invendus de Made in Asie #22