Laura, romancière, new-yorkaise dans la quarantaine, mariée et mère de deux filles, ne parvient plus à écrire. Sa vie quotidienne, saturée par la banalité, phagocyte toute son inspiration. Il faut dire qu’elle aurait bien du mal à s’accrocher à quoi que ce soit autour d’elle, dans la mesure où les clichés et le premier degré emprisonnent son existence :
- un couple en demi-teinte et des soupçons d’adultère face à son mari pris dans un métier qu’on ne nommera pas, mais au service d’une « compagnie » obsédée par les « followers » (vanité des temps modernes, j’écris ton nom)
- un intérieur joli comme un cœur, avec des jouets par terre pour dire le quotidien, et un aspirateur robot qui souligne avec malice cette drôle d’époque que nous vivons, non ?
- une copine d’école qui fait de chaque rencontre un stand up pénible sur les névroses d’une mère célibataire embarquée dans des aventures d’ado attardée, presque aussi pénible que la nana dans Obvious Child, attend, mais en fait c’est elle
- un New York joli comme tout avec du jazz et des plans proprets le jour, scintillants de mille feux la nuit
- un New York des élites avec des vieilles qui veulent acheter des tableaux dans des salons cossus, haha que cette farce de la richesse est amusante à contempler.
Et donc, Laura a aussi un père, qui déboule au bout de 20 minutes pour mettre un peu de fantaisie dans tout ça, parce que la seule chose qui pouvait apparemment motiver Sofia à retrouver sa propre inspiration était d’écrire pour Bill Murray, ce qui peut se comprendre. Filature, soupçons, « comique » de situation l’embarquant jusqu’au Mexique, théories sexistes du père sur la conquête éternelle du mâle, plaintes de la fille sur la cruauté du temps qui passe, rien n’y fera : le premier degré de l’insipide restera le fidèle compagnon de la suite des événements. Dommage, car quand on écrit un film prétexte pour Bill Murray, ça peut donner des choses très chouettes comme St. Vincent, par exemple.
Et donc, spoiler alert, à la fin, Laura se rend compte que son père délirait, et que finalement, tout va bien dans sa vie quotidienne. Papa aura droit à ses quatre vérités, et un échange de montres dans une séquence dont la finesse symbolique peut concurrencer les CAPS LOCK de l’ancien président dans ses tweets, mais on se rend bien compte que toute cette petite escapade n’aura servi à rien. Tout comme ce film, si ce n’est pour montrer avec pas mal de tristesse le tarissement total de son auteure, qui, réduite à s’autociter en plaçant çà et là ses personnages paumés sur de trop grands canapés, n’est pas dupe de cette bien mauvaise passe, qui se résume à cette bien embarrassante scène durant laquelle une larme tombe au ralenti dans un verre de Martini.
A la fin, madame retrouve l’inspiration. Espérons que ce n’était pas pour écrire une œuvre de cet acabit.