Non, la vie n’est pas un film de Tarantino. On ne peut pas rentrer chez quelqu’un avec un sabre aiguisé, le planter dans tout ce qui bouge et s’en sortir sans le moindre problème.
Dans la vraie vie, on finit par stresser à chaque coin de rue et la paranoïa nous tue doucement à petit feu. Parce que le cinéma se fiche des conséquences, jamais on ne s’inquiétera outre mesure pour un personnage qui vient de commettre un acte irréversible.


Pour autant, certains cinéastes savent jouer avec ce sentiment de culpabilité, laissant planer une épée de Damoclès au dessus de leur personnages, nous rappelant que chacun de nos actes se doit d’être puni ou récompensé comme il se doit.
Mais ces cinéastes sont d’ores et déjà connu comme ceux qui se fichent bien de mettre à mort leurs personnages principales, et leurs intrigues rondement ficelées, d’un seul coup de couteau, ou d’une rafale de munitions de guerre à la sortie des toilettes, qui n’est dû qu’au sursaut provoqué par un vulgaire grille-pain.
L’idée du karma au cinéma n’est quand même que rarement évoquée. Ou bien avec des sabots taille 50, provoquant immédiatement dans le cerveau du spectateur confirmé, ou non d’ailleurs, une danse des neurones qui finissent par comprendre ou tout cela va se terminer.
Quel est le but d’un film?
Surprendre ou raconter?
Doit-on emmener le spectateur quelque part, lui promettant quelque chose qui va le scotcher à son siège, pour au final ne rien lui donner ?
Le cinéma est-il le plus gros vecteur de frustration ?
Lui faire imaginer quelque chose, puis réduire cette idée à néant, avant d’y revenir à la fin.
Le spectateur ne sait plus ce qu’il regarde, et toutes ces certitudes s’envolent peu à peu, pour qu’il se laisse enfin aller pour les trente dernières minutes du spectacle qu’il regarde, un peu comme dans ce film ou huit personnes sont enfermés dans un chalet, sans autre problèmes que les à priori qu’ils ont vis à vis de chacun d’entre eux.
Le spectateur ne sait pas ce qu’il va se passer et s’en fiche, ce qui compte, c’est ce qu’il voit.
L’instant présent, aussi bien dans la vraie vie qu’au cinéma, est primordial.
Chaque scène ne compte que parce qu’elle se produit sous nos yeux.
Celle d’après doit nous faire oublier celle d’avant, et celle d’avant est renforcée par celle d’après. Sinon, le cerveau ira déjà chercher la mémoire de cette scène passée qui l’a marqué mais qui n’as pas été magnifiée par ce qu’il a vu ensuite.


Doit-on prendre le spectateur pour un quelqu'un qui n'est pas initié ? Il n’as pas aimé un film parce qu’il n’en a pas saisi toutes les références/hommages/clin d’oeil, voir métaphores qu’on lui propose.
Le film est-il le spectacle principal, ou bien c’est tout ce qu’il y a autour ?


Once Upon A Time In… Hollywood est il un bon film, parce qu'il nous laisse dans l'émotion que ressentent certains à l'égard de cette période lontaine, ou un métrage avec lequel on se gargarise car il retrace l’histoire d’une industrie qui pratique la fellation sur elle-même dans chaque recoin de la planète ?
Est-il une bonne histoire, ou une succession de plans magnifiques qui forcent le peuple à se dire qu’il n’est pas assez cultivé pour comprendre que le film est grand ?
Le cinéma c’est le film que le spectateur regarde, ou bien l’industrie du cinéma qui regarde le spectateur quand il regarde le film ?


J’ai grandi en me disant que la chose la plus excitante dans ce monde venait de ce que j’avais vu dans Pulp Fiction, dans Reservoir Dogs, ou dans Kill Bill. Des personnages tous plus bad-ass les uns que les autres, mais avec une sensibilité accrue et dévoilée aux yeux du monde, soit le spectateur.
Ces gens-la vivent des histoires incroyables, mais s’émeuvent d’une pauvre histoire de massage de pieds. Ils tuent sans vergogne, et mettent de manière sanglante fin à des relations fortes quand ils sont vexés, mais s'émeuvent quand on met un sabre en vente, alors que ce dernier est inestimable. On se régale à les voir marcher avec un charisme hallucinant sur un son funky, puis on essaie de trouver des solutions à leurs problèmes quand ils se vautrent lamentablement. 

C'est un cinéma qui pose des questions.
Est-ce qu’on peut tuer des gens et croire en Dieu ?
Est-ce qu’on peut réciter la bible et ainsi invoquer l’Eternel,
en braquant un flingue sur la tête d’un homme en pleurs, et à genoux, tout en se marrant ?
Est-ce qu’on peut évoquer l’amitié entre deux hommes, que tout oppose, qu’après que l’un des deux ait vu l’autre se faire sodomiser de force dans un sous-sol miteux de Los Angeles ?
Est-ce qu’il faut interroger tout ce qu’on voit, ou mieux voir tout ce qu’on interroge ?

Un film est un grand film quand il nous conforte dans une émotion, ou qu’il casse des certitudes qu’on croyait pourtant si établies.
Peut-on dire qu’un film est un chef d’oeuvre lorsqu’il ne fait qu’effleurer des thèmes, de manière frileuses, comme si il n’osait pas provoquer un séisme en s’attaquant à l’une des histoires les plus sensibles de notre siècle ?
Peut-on dire qu’un film est un grand film lorsqu’on a eu l’impression de regarder, dans un univers qui ne nous intéresse pas et qui ne nous dit pas grand chose, des gens qui vivent leur vie pas si intéressantes que ça, se cherchant de prétextes pour exister, pour finalement agir comme dans leur films préférés, comme si le cinéma avait pris le dessus, et que les actes n’avait de sens que parce qu’on les commet. Est-ce que le contenant est plus important que le contenu ?
Un film peut être une incroyable métaphore du capitalisme. On aime ça parce que c’est beau, ou bien fait, ou qu’on nous met sous le nez sans arrêt dans des moments ou nos cerveaux d’acheteurs compulsifs ont besoin de quelque chose, pour autant ça ne nous procure rien de particulier, voir du négatif. Faire un film, c'est du ou c'est dû au capitalisme ?
Est-ce qu’on regarde les personnages évoluer, ou est-ce qu’on regarde les acteurs faire évoluer leurs personnages ?

Est-ce qu’on regarde le cinéaste réaliser son film, ou est-ce qu’on regarde le film que le cinéaste a voulu réaliser ?
Est-ce qu’on se demande pourquoi la caméra va de gauche a droite d’une lente mais majestueuse fluidité, ou est-ce qu’on regarde le personnage qui avance vers une nouvelle étape de sa vie, si petite soit-elle, comme acheter des clopes ?
Est-ce qu’on peut tout filmer de manière épique, avec une musique bien choisie en fond, même pour rien raconter, ou si peu ?
Est-ce que le cinéma c’est aussi facile que ça ?


Est-ce qu’il faut un début et une fin à un film pour qu’il soit considéré comme un bon film ?
Est-ce qu’il faut respecter la théorie du voyage du héros pour faire du cinéma ? 

Emmener le personnage, et le spectateur avec lui, d’un point A à un point B, tout en le faisant passer par des expériences qui l’auront a jamais changé lorsqu’il franchira le point B.
Voulait-il faire un film contemplatif ou le spectateur ne verra pas une histoire lui être contée, puisqu’il la connait déjà, mais des être humains essayant tant bien que mal de s’en sortir avant l’inévitable ? Tout en sachant que l’inévitable ne mettra pas de point final à la vie de tout le monde, mais laissera néanmoins le goût amer du avant/après, et l’inscription de la date sur une frise chronologique de l’histoire avec un grand H.


Faut-il rentrer dans le vif du sujet pour en parler suffisamment, ou suffit-il de l’évoquer pour que les gens en parlent autour de vous ?
Il aura au moins réussi à me plonger dans un état de doute, emprunt de mélancolie/nostalgie, qui me pousse à remettre en question tout ce que je connais jusqu’a présent.
Rendez-vous après le deuxième visionnage.


J'ai écris cette critique le 19 aout 2019, sur un autre compte, quelques jours après avoir vu le 9ème film de Quentin Tarantino, et dans un état vraisemblablement secondaire.


Bouleversé, ça, je l'ai été.
Et pendant un long moment, jusqu'au deuxième visionnage, que j'ai repoussé jusqu'à 3 semaines après le premier, n'en pouvant plus, et même après.
Déçu, je ne dirais pas ça.
Ebloui, surement.


Tarantino a toujours eu le don de me faire (re)découvrir le cinéma.
Comme si, devant l'un de ses films, tout à coup le cinéma me faisait comprendre que tout était possible, tout était permis, tout n'est qu'artifice,
et il n'y a de limites à la création que celles que l'on se crée en tant qu'auteur.


C'est le sentiment que j'ai eu au premier visionnage de Reservoir Dogs, à l'âge de 11 ans,
C'est le sentiment que j'ai eu devant Kill Bill, quelques-années plus tard, devant la découverte jouissive de cette fresque exacerbée.
Et c'est le sentiment que j'ai devant Once Upon A Time in Hollywood, le dernier film de QT.


A peu près un an après la première critique que j'en ai fait, qu'en est t'il ?


Déjà, le métrage aura eu quoiqu'il arrive le mérite de me faire réfléchir profondément quant à la notion même de cinéma, signe d'une véritable expérience audiovisuelle, et de me laisser dans un état de mélancolie, comme nostalgique d'une époque que je n'ai pas connue, et d'une situation que je n'ai pas vécu.


Peu de films, voir aucun, m'ont laissé une telle marque.


A bien y réfléchir, la sensation post-visionnage de l'épopée hollywoodienne de QT se rapproche plus du sentiment que j'ai eu lorsque que j'avais fini des séries que j'ai particulièrement aimé, comme Lost, Breaking Bad, ou Sons of Anarchy.
L'impression d'avoir passé un moment priviligié, que je ne revivrais plus, et l'impression d'abandonner les personnages, les lieux, l'ambiance, l'univers, et de reprendre le cours de ma vie, diablement bien moins intéréssante forcement que ce dans quoi je venais de me plonger.


Avec le recul que j'ai aujourd'hui, la chose la plus frappante et qui fait, pour moi, de OUATIH un chef d'oeuvre est son ambiance si prononcée, si prenante, si ennivrante.
Presque comme un parfum.
Le travail du son (et je ne parle pas ici de la bande-son, qualité qui n'est plus à féliciter chez Tarantino tant il la maitrise sur chacun de ses films, mais bien du sound-design) est phénoménale.
Dès les premiers instants, l'ambiance sonore nous place dans une bulle, dont nous ne sortirons que presque 3 plus tard, et qui nous manqueras aussitôt.
Les cuts ont presque tous une marque sonore, qui font du film une véritable expérience, à tous les domaines.


C'est une tension latente, lancinante, nonchalante, et sans forcer, vers une fin que nous connaissons déjà, mais que nous ne verrons pas.
A la place, pour nous récompenser de cette longue aventure dans laquelle il ne se passe pas grand chose, et ou l'action est en élipse (frustration totale), Tarantino nous offre le paiement le plus condensé de sa carrière.
Cinq minutes, pendant lesquelles, à bout de souffle, on savoure lance-flammes, craquement d'os et bradpittreries presques (trop?) parodiques.


C'est mon seul regret.
Une fin peut être un peu trop à l'écart du reste.
Comme si le génial réalisateur s'était demandé si son film n'était pas trop sérieux, comme si il avait douté.
Presque une habitude pour QT, qui fait ce coup la depuis Django.


Le film est néanmoins d'une puissance et d'une saveur indéniable, et il restera pour longtemps dans ma mémoire, comme celui qui a encore fait changer ma façon de voir le cinéma, et de voir les films.


Suis-je le seul à remarquer la différence des films de Tarantino depuis que Sally Menke, sa monteuse, n'est plus ? Elle lui manque cruellement, preuve qu'un réalisateur doit aussi beaucoup à l'artiste de l'ombre, capable de créer un univers dans sa chambre noire.


Et je me surprends à penser assez régulièrement :
Que font Rick Dalton et Cliff Booth en ce moment même ?


Vivement le 10ème.

Créée

le 20 juil. 2020

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