Il y a cinquante ans, durant le mois d'août 69, trois membres de ce qui fut par la suite baptisée la "Famille Manson" pénètrent dans la maison de Roman Polanski à Los Angeles et assassinent sa fiancée, Sharon Tate, enceinte ainsi que quatre autres personnes présentes sur place. Un fait divers sanglant qui frappa donc le monde du cinéma. Quentin Tarantino n'a alors que six ans, vit dans la banlieue sud de la cité des anges et n'est donc pas encore la star du cinéma qu'il est aujourd'hui. C'est pourtant à partir de ce fait divers qu'il va construire son nouveau film, un véritable conte pour fan du septième art, Once Upon a Time… in Hollywood.
La carrière de Rick Dalton, ancienne star du petit écran, est définitivement sur la pente descendante lorsqu'en cette année 1969, on lui propose de partir tourner des westerns en Italie. Abattu par la situation, celui que tout le monde connaissait par son rôle dans la série télévisée Le Chasseur de primes peut néanmoins compter sur son éternelle doublure, Cliff Booth, qui fait alors principalement office de chauffeur et d'homme à tout faire. Vivant à Los Angeles, les deux compères, pourtant bourrés de talents et de bonnes intentions, sont ce que l'on pourrait cruellement appeler des has-been.
Quentin Tarantino, pour son neuvième film, innove en choisissant comme toile de fond Hollywood et l'industrie du cinéma. Cette déclaration d'amour au cinéma, d'autres grands noms l'ont faite avant lui, comme les frères Coen avec Ave, César !, Billy Wilder et son cultissime Boulevard du crépuscule ou encore Tim Burton avec Ed Wood. La fin des années 60 est une époque qui est souvent présentée comme charnière dans l'histoire du cinéma américain car elle marque la naissance du Nouvel Hollywood où des thèmes comme la violence, le sexe et la politique sont mis en scène sans tabou. Un brutal changement de paradigme qui donna naissance à une nouvelle génération de réalisateurs talentueux.
Réécrire une histoire violente par une autre tout aussi violente est un joli pied de nez au titre du film. Car Tarantino ne souhaite pas mentir au spectateur, le monde du cinéma n'est que le reflet de la société (à moins que ce ne soit la société qui est à l'image du cinéma) et reste donc particulièrement violent. Once Upon a Time… in Hollywood se révèle, sans grande surprise, être un conte de fée plein d'hémoglobine… dans les dix dernières minutes du film. Pendant les deux heures trente qui précédent les gerbes de sang, le réalisateur déclare sa flamme à ses fantasmes, ses obsessions, à savoir le cinéma et les pieds. Si l'on met de côté le fétichisme plantaire, il est agréable de découvrir ce cinéma, sur grand et petit écran, cher à Tarantino par une amusante construction de film dans le film.
Dans Once Upon a Time… in Hollywood, le casting est porté par un formidable duo. Celui formé par Leonardo DiCaprio, qui incarne l'acteur Rick Dalton, et Brad Pitt interprétant le cascadeur Cliff Booth, sa doublure. Le premier est nerveux, sensible et peu sûr de lui. Le second est calme, dénué de sentiments en apparence et semble profiter de la vie en se contentant de peu. En laissant le temps à ces deux personnages de s'exprimer pleinement, Tarantino donne du sens et de la profondeur au jeu de ses acteurs vedettes. Le troisième protagoniste marquant est Sharon Tate, incarnée par une Margot Robbie rayonnante et respirant l'innocence. Un personnage se démarquant des autres rôles féminins, à savoir les "filles de Manson", jeunes filles droguées dont le masque de l'enfance, fissuré à grand renfort de drogues, ne parvient plus à cacher la noirceur et la laideur qui se cachent derrière.
Oeuvre dense, épopée hollywoodienne, déclaration d'amour au cinéma et à ses acteurs, Once Upon a Time… in Hollywood est peut-être le film le plus personnel de Tarantino. L'ultra-violence qui dominait dans ses précédents longs-métrages passe ici en second plan, dépassée par celle de la réalité. Une défaite qui fait froid dans le dos.