Once Upon a Time… in Hollywood est le 9ème film du trublion Quentin Tarantino. Je vénère ce réalisateur depuis que j'ai découvert Pulp Fiction à l'adolescence et dès lors, j'ai adoré chacun de ses films. Mieux, depuis Inglourious Basterds en 2009, je me rends systématiquement au cinéma pour les découvrir sur grand écran, comme il se doit (j'étais encore un peu jeune à la sortie de Kill Bill). Tarantino emploie toujours peu ou prou les mêmes éléments dans son cinéma, son écriture. Des personnages très charismatiques et très (très) bavards. De l'humour noir à foison et une violence qui ne manque pas non plus de faire rire. Il sait également bâtir de la tension comme peu de personne. Ainsi, Reservoir Dogs n'est que cela, vont-il découvrir la taupe ? La police va t-elle les rattraper ? Dans Pulp Fiction, ce sont les dialogues qui ont tendance à rester cultes, que ce soit la logorrhée sur le Big Mac, ou simplement des versets bibliques avant un meurtre. Et ces exemples sont infinis dans le cinéma de Tarantino. Il peut parfois s'avérer un peu fétichiste dans sa façon de s'auto-citer, de renouveler sa formule mais au moins, le spectateur se sent à chaque fois comme à la maison.
Et c'est pour cela que Once Upon a Time… in Hollywood va étonner les plus fervents admirateurs de ce réalisateur. C'est un Tarantino qui ne ressemble pas vraiment à un Tarantino. Il se rapproche toutefois de Jackie Brown, mais sans le volet Blacksploitation qui faisait tout le sel de ce film. Once Upon a Time… in Hollywood c'est peu de longs dialogues, peu d'humour, peu de violence, beaucoup de losers à l'écran. On suit les aventures de Rick Dalton, interprété par une excellent Leonardo DiCaprio. Il s'agit d'une vedette du petit écran sur le déclin qui essaye tant bien que mal de trouver son salut dans son métier d'acteur. Il est accompagné par Cliff Booth, son cascadeur campé par un intrépide Brad Pitt. Lesté d'un passé mystérieux, il est l'ami de Rick et bien plus. Tarantino aime le cinéma, aime Los Angeles et ce film est une déclaration d'amour. Mais pas une déclaration d'amour en forme de fantasme qui dépeindrait un monde idéal. C'est une déclaration d'amour empreinte d'authenticité. Et cela vient de sa madeleine de Proust, qui est le L.A de 1969. Et dans ce monde là, c'est la fin de l'âge d'or d'Hollywood et c'est la transition vers une nouvelle ère. Cela se caractérise par l'arrivée de Roman Polanski et son épouse Sharon Tate (touchante Margot Robbie) qui emménagent à côté de chez Rick. Au fur et à mesure que la carrière de Rick se délite, celle de Sharon Tate fait le chemin inverse. Elle n'est que joie, sourire, danse et fête. Un vrai soleil sur cette ville là où l'étoile de Rick pâlit. Mais là où le cinéma permet d'habitude de s'évader en nous présentant des histoires qui nous sortent de l'ordinaire avec des personnages extraordinaires, ce film fait exactement l'inverse. Il tue nos fantasmes sur L.A pour nous montrer la triste réalité de la vie et de la carrière de l'immense majorité des comédiens qui habitent cette vile et qui rêvent de gloire. C'est une inversion étonnante qui ne fait que déstabiliser le spectateur au cours de ces 2h41 de film.
En effet, on nous vendait le film comme l'histoire de l'assassinat sanglant de Sharon Tate et au final, son personnage est très effacé dans le film. Le rythme est lent et l'énergie de Tarantino est aux abonnées absentes. Peut-être parce qu'il est devenu mature avec l'âge, mais cela étonne. Toutefois, à défaut d'énergie, on a une précision millimétrée dans la mise en scène. Dans le travail sur certains plans avec un niveau de détails inouï pour reconstituer l'année 1969 à l'écran. On apprécie également ce traveling récurrent avec la caméra qui semble être placée sur une grue pour avoir un grand angle et surplomber la scène. Il faut souligner également l'étonnante sobriété du métrage, notamment dans la citation des opus précédents qui n'est plus dans l'autocélébration. Bien au contraire, cela montre le chemin parcouru et la maturité acquise par le réalisateur.
Enfin, le charisme des comédiens fait tout le sel de ce film. Qui d'autre que Brad Pitt pour jouer ce casse coup qui tient si bien tête aux hippies de la Manson Family ? Car oui, la tension existe, et s'arrime autour de ce personnage clef qui a les scènes les plus tarantinesques.
Car en effet, Tarantino reste Tarantino, même dans ce film qui est si différent et pourtant finalement, si typique d'un réalisateur qui évolue, et qui théoriquement signe ici son pénultième film. Mais en voyant Once Upon a Time… in Hollywood, on comprend que ce film ne pouvait que repartir bredouille de Cannes où il était dans la sélection officielle. En effet, Tarantino a abandonné la subversion pour nous raconter des contes maintenant. Il était une fois à Hollywood, l'enfant terrible du cinéma qui s'était assagi.