Et si, en vieillissant, Tarantino accomplissait enfin les talents qui sont en lui ? S’il laissait enfin de côté l’esbroufe vide et le tape-à-l’œil de ses premiers films pour obtenir quelque chose de plus mature ? Après un 8 salopards magistral, le voici dans un portrait d’Hollywood de 1969 tout en beauté, en subtilité, entre humour, douce nostalgie et excellente reconstitution.
Le film commence par un constat : ancienne gloire de la télé et du cinéma, Rick Dalton est désormais dépassé, has been, relégué dans les rôles de méchants faire-valoir du jeune héros. Ce qui est présenté avec humour au début (lorsque l’on apprend que le sort réservé aux anciennes stars, c’est de se retrouver dans des westerns spaghettis) prend, au fil du film, une ampleur dramatique qui culmine avec une formidable scène où l’acteur discute avec une enfant star de 8 ans.
Tout dans ce film se joue dans la subtilité (qui aurait cru que l’on puisse dire cela de Tarantino ?). Ainsi, Once upon a time in Hollywood n’est pas un bête film en mode « c’était mieux avant ». La douce lumière californienne qui baigne le film prend des allures de joyeuse dolce vita, mais elle permet aussi une franche et terrible lucidité dont on peut se dire qu’elle est au centre de Once upon a time in Hollywood. La scène, au centre du film, où Rick joue (ou essaie de jouer) une scène de western mais oublie régulièrement son texte et surjoue lamentablement est très révélatrice. De même que la colère qui l’anime par la suite. Cependant, nous sommes chez Tarantino, là où les vieux surannés ont toujours du mordant et de quoi faire leurs preuves.
C’est là que s’installe une série de portraits en demi-teinte. Portrait d’un acteur qui refuse d’admettre qu’à Hollywood, on est vite relégué à un second plan qui préfigure une interminable traversée du désert. Portrait d’un cascadeur-chauffeur-homme à tout faire qui sacrifie sa vie pour la « star », au point d’en être le double/opposé, l’ombre. Portrait d’une Amérique qui reste un pays où, à peine masquée derrière la revendication d’une liberté individuelle, se trouve une violence démentielle qui gangrène tout (violence des propos, des rapports sociaux, puis, ais seulement in fine, violence physique). Portrait-hommage avant tout au cinéma sous toutes ses formes.
C’est d’ailleurs là, dans cet hommage au cinéma, que le film se fait jouissif. On sent que Tarantino s’est amusé aussi bien en recréant des films typiques de l’époque, comme ce film de guerre où Rick fait cramer du nazi, ou en faisant des inserts dans des films existants (comme La Grande Evasion). Les scènes de tournage sont formidables également, peut-être parmi les meilleures du film.
Il y a là-dedans quelque chose qui rappelle l’excellent Inherent Vice de PTA, dans cette description qui échappe à la nostalgie aveugle pour créer une atmosphère étrange, déroutante et, de ce fait, inquiétante parfois. Inquiétante comme cette visite de Cliff à la Famille, scène remarquable de tension dramatique subtile. Derrière la « coolitude » affichée par tous affleure une violence qui ne demande qu’à exploser. Par sa reconstitution désabusée, désenchantée, le film évite de tomber dans certains panneaux.
Avec Once upon a time in Hollywood, Tarantino nous livre un film doux-amer, drôle, émouvant, passionnant.