Comme dans cette forêt inquiétante, luxuriante et parfois un peu funeste, voilà un film où l'on évolue à tâtons. Chacune des scènes, toutes économes en effet et en action, nous pose cette question : avons-nous raté quelque chose ou faut-il simplement se laisser porter, à la manière de cet oncle Boonmee qui marche sereinement vers sa mort?
Un élément éclairant et indispensable est le sous-titre du film - 'celui qui se souvient de ses vies antérieures' - afin de ne pas sombrer dans une incompréhension totale. Dès les premières images, il nous met la puce à l'oreille sur la nature même de ce boeuf. Et ainsi à chaque nouveau tableau le doute mystique nous gagne sur ce que l'on voit. Le fameux oncle prend plusieurs formes et celles-ci n'ont pas de limites, femme ou homme, animal ou être humain, et l'on spécule sur l'identité des entités, avant de se laisser porter par la simplicité (et l'universalité) des souvenirs montrés.
Le tableau de la princesse est ainsi très beau, de sa caresse au porteur jusqu'à la chute des bijoux dans l'eau pleine de poisson-chats, on croit déceler des traces de mythologie pas si éloignées de notre culture. Il se termine dans l'eau tourbillonnante par un des multiples effets utilisés par Weerasethakul lors du film (apparition/disparition par transparence, diaporama, acteurs présents 2 fois sur le même plan...), ce qui confère une certaine magie, toujours artisanale, à l'oeuvre.
Néanmoins, certains plans s'étirent un peu trop et on ne peut pas dire que le film, d'un point de vue visuel, soit vraiment beau. Il manque l'alliage du fond et de la forme pour réellement faire de ce film un chef-d'oeuvre. Car son esprit, à travers ses figures, son environnement, ses sons, reste envoûtant et offre un voyage dépaysant mais quelque peu frustrant.