Des apriori défavorables j'en avais sur ce film de presque deux heures dont les échos, sauf exceptions, n'étaient pas très positifs, évoquant "une histoire sans intérêt sur des images sans queue ni tête frôlant le ridicule"...Je suis donc allée le voir en traînant la patte et je dois dire que mon impression est bien plus favorable que je ne pensais : abandonnons notre esprit cartésien au vestiaire et laissons-nous porter par cette culture, cette esthétique et ce cinéma si différents des nôtres, cette sorte de méditation en images d'un homme aux portes de la mort, qui le sait, et choisit de revenir, entouré des siens, dans une grotte en haut d'une colline, celle qui " l'a vu naître"et qui le verra mourir...
Quand on ne cherche pas à tout prix la rationalité, on peut se laisser porter par la beauté visuelle et poétique de scènes somptueuses comme celle de cette princesse défigurée éprise du reflet de la jeune femme belle et désirable qu'elle fut sans doute, se plongeant dans ces chutes magiques où elle s'offre, dépouillée de ses atours, à un poisson-chat qui se faufilant entre ses cuisses, lui fait connaître un orgasme primitif et cosmique...
Et se mêlant à cet onirisme, un sens remarquable du quotidien dans des scènes qui nous ramènent au monde matériel : les comptes après l'enterrement, une séance de télévision que regardent tante et nièce et comme par malice, l'intrusion dans la chambre d'un jeune moine qui s'ennuie, ayant tout simplement envie "d'une bonne douche chaude"...
Réalité, apparences et rêves se mélangent pour donner une oeuvre étrange, déroutante mais habitée, qui nous ouvre à un tout autre cinéma...