Le début de 1 (Le titre anglais de ce documentaire) a de quoi effrayer en comparaison des conditions de course de la Formule 1 actuelle. Car voir des pilotes comme Fangio ou Bandini en train de conduire à tombeaux ouverts sans casque ni combinaison a quelque chose d'aussi anachronique qu'incroyable.
En 1H46, 1 réussit à saisir et à retranscrire l'essence même de la course et du "spirit" qui l'anime. Car au début, le sport que nous connaissons aujourd'hui était affaire de gentlemen et d'amateurs qui se tiraient la bourre tout en étant conscient des risques impossibles qu'ils prenaient. Le début du film s'avère plus que complet, en traduisant le magnétisme du danger et de la performance pure alors que la mort rôde constamment en quête de nourriture, de l'enlèvement d'une idole ou d'une tête d'affiche de ces nouveaux jeux du cirque.
Au point de se rendre compte que c'est un véritable instinct de mort qui animaient ces gladiateurs et en cela, 1 est une véritable réussite, car les accessions les plus glorieuses (Chapman, Ferrari), les exploits ou les victoires les plus magistrales (Hunt) entrent parfaitement en contraste avec le funèbre, le silence et la consternation. Car le temps qui s'arrête quand la mort ravit un Jim Clark ou un François Cevert saisit, tout comme les images de voitures démantibulées, en flammes, déchirées sur le bas côté, tout comme un pilote impuissant qui essaie de faire quelque chose alors que le spectacle et la course, elles, continuent.
Désirs de courir malgré tout et instint de survie se contredisent dans un même mouvement, quand certains, comme Jacky Ickx, couraient quoi qu'ils puissent arriver, ou que d'autres militaient pour un spectacle plus sûr, tandis que la majorité vivait la vie à fond de peur qu'elles ne leur échappe le dimanche. Jusqu'à un certain romantisme typiquement 70's, quand le sexe était "le petit déjeuner des champions".
A côté de cela, 1 parvient à exalter certaines rivalités, à se focaliser sur certains dieux devenus victime du destin et de la fatalité. Mais on a l'impression que plus on avance, plus le documentaire a tendance à survoler ce qu'il traite. S'il met en scène l'avènement de Mosley, d'Ecclestone et de la médiatisation du sport, 1 fait presque l'impasse sur d'autres sujets plus techniques, ainsi que sur certains épisodes pourtant, à mon avis, déterminants. Ainsi, presque rien n'est dit, par exemple sur la mort de Gilles Villeneuve, alors qu'il était, lui aussi, l'un des petits princes charismatiques et acclamés de la Formule 1. Et à mesure que les progrès de la sécurité avancent, on voit que l'on saute presque d'une décennie à l'autre, avec en fin de film, la mort de Senna, alors que d'autres catastrophes, telle la mort de Roland Ratzenberger, l'incroyable crash de Gerhard Berger à Imola dans les années 80, les jambes broyées de Jacques Laffite ou encore l'accident de Schumacher en Grande-Bretagne en 1999 auraient pu illustrer la montée en puissance et les ratés d'un spectacle sécurisé.
Quant à la conclusion, plutôt optimiste et montrant nombre de cabrioles impressionnantes mais sans conséquences, elle entre malheureusement en collision avec la tristesse du décès de Jules Bianchi, comme un avertissement funèbre, comme pour rappeler que le Grand Livre de la Formule 1 ne s'écrit que par le sang des tributs qu'on lui offre.
Behind_the_Mask, qui sort difficilement de son cockpit.