Une image familière : ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre...


27 ans séparent les 60 premiers plans des 60 suivants. 120 plans d'une minute chacun, composés pour la plupart d'un travail sur le mouvement et l'attente d'un évènement. James Benning pose sa caméra afin d'enregistrer le temps, l'espace et le son : le résultat est fascinant, proche des prémices du cinéma tant l'ensemble évoque les vues cinématographiques des frères Lumière ou les premiers travaux expérimentaux de Chantal Akerman (les fantômes de News From Home viennent à l'esprit, principalement). Il s'agit surtout pour le cinéaste d'apprivoiser le réel en le déclinant sur une durée standard (1 minute, donc) et une bande-son identique d'une période (1977) à l'autre (2004). Les deux heures de One Way Boogie Woogie reposent sur l'idée magnifique qu'il puisse se passer quelque chose entre les images, articulées sur une ellipse pour le moins audacieuse et réitérant les mêmes effets sonores et le même dispositif. Seule l'image change, parfois de manière radicale, parfois plus subtilement : flux, personnage dans le champ, changement de lumière naturelle... Le mouvement est souvent beaucoup plus travaillé qu'il n'y paraît par Benning, étant donnée la durée standard du plan. On pourrait même dire que cette durée régit l'ordre des plans, associant image et son dans sa première moitié, les dissociant dans la seconde jusqu'à les rendre pratiquement surréels...


Croisement d'expérimental et de contemplatif, proche également du documentaire urbain et du cinéma muet One Way Boogie Woogie est un objet redoutable par son aridité formelle mais salutaire pour qui acceptera de jouer la carte de l'exigence. Parfois le cinéma est affaire de patience, et celui de James Benning esquisse progressivement son mouvement au coeur du plan, sans aucune concession : c'est à voir.

stebbins
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le 31 mai 2015

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