Pour le moment je connais encore mal Nicolas Winding Refn. Je n'avais vu que Drive jusqu'à maintenant. Mais force est de constater que c'est un excellent réalisateur. Il a un sens de la mise en scène, des couleurs,... qui contribuent à un esthétisme vraiment très bien léché. En plus, il ne fait pas du beau juste pour la forme. Non c'est aussi pour appuyer son propos. D'ailleurs son sens du visuel est tel, qu'il arrive bien souvent à se passer de mots, de dialogues, à l'image du mutisme du personnage joué par Gosling. Et si j'en crois les connaisseurs du monsieur, c'est même sa marque de fabrique.
Son principal problème
Le soucis que j'ai avec Only God Forgives, c'est qu'à trop vouloir se passer de dialogues et à mettre en avant le visuel, le réalisateur livre ici un film qui manque parfois de clarté et finit même par devenir élitiste. Certaines scènes paraissent tellement irréelles qu'on se demande si elles ne sont pas rêvées ou au moins à caractère métaphorique/onirique, alors que dans le même temps elles sont clairement rattachées à des scènes belles et bien réalistes. Du coup, on ne sait plus trop comment il faut les prendre.
Par exemple, il y a la scène du policier Chang (joué par Pansringarm) qui chante sur scène devant ses collègues et avec Julian (joué par Gosling) dans la salle. Et franchement, on se demande un peu pourquoi on nous montre ce policier chanter alors que c'est en complet décalage avec son statut mystifié par le film, et aux multiples étiquettes, de juge, juré, bourreau, chef de la police, maître en arts martiaux, et j'en passe. En soit, j'ai rien contre le fait qu'il ait un petit hobby supplémentaire mais là ça colle pas trop à l'ambiance... Et ce n'est même pas la seule fois où on le voit chanter. Ça doit donc avoir une importance non négligeable autre que "c'est beau". J'aimerais pouvoir me dire que c'est métaphorique, mais c'est à la sortie de ce karaoké que Julian confronte Chang pour lui proposer un combat.
Du coup, ça me laisse perplexe. Est-ce réel? Rêvé? Un peu des deux? Mais dans ce cas, quand passe-t-on du rêve à la réalité? Je ne suis vraiment pas sûr du message que veut me transmettre le réalisateur. Je suis peut être passé à côté de quelque chose mais pour moi ça rend surtout le film confus.
Et sa principale qualité
Néanmoins c'est à contrebalancer avec certaines scènes particulièrement bien réalisées et percutantes.
Comme lorsque le policier torture quelqu'un devant une assemblée dont l'ensemble des femmes doivent garder les yeux fermés. La violence fonctionne vraiment bien! Chang maîtrise tout et tout le monde. Il se sert d'objets dans la salle pour torturer et personne n'ose le défier, pas même ses collègues policiers qui devraient être les garants d'une certaine justice mais attendent seulement que ça se passe.
Il y a aussi la confrontation entre Julian et Chang dans la salle de boxe. Au début, le policier est au centre pour montrer que c'est lui le maître, et Julian lui tourne autour comme une planète autour du soleil. Et quand vient l'affrontement, les positions initiales confirment l'issue du combat. Chacun des coups portés par Julian échoue tandis que Chang inflige des coups violents et précis. Chang domine encore et toujours. Comme Icare, Julian s'est approché un peu trop du soleil.
Enfin, on retiendra la scène lorsque Julian est dans la chambre avec la prostitué. Cette scène en particulier est très érotique, mais on ressent bien l'impuissance de Julian, qui d'une part est attaché à la chaise, mais en plus se fait couper le bras dans une sorte de rêve.
Définitivement, la mise en scène, les jeux de lumières et de couleurs, le montage, les mouvements de caméras sont très bien pensés, et laissent place à quelques scènes magnifiques et puissantes.
Conclusion
Bref, je ressors de ce film avec un sentiment partagé. Je n'ai pas décrit chacun des points qui me plaisaient ou non, mais ce film a réellement de très bonnes choses à offrir qui valent le coup d'œil. Pourtant, c'est aussi un film qui a des faiblesses que je pense liées au fait que Nicolas Winding Refn cherche un peu trop systématiquement à mettre à profit son "langage du silence" en faisant passer le visuel avant le reste. Et malheureusement ces faiblesses peuvent conduire certains spectateurs à sortir du film ou à limiter son immersion et ses implications pour les personnages. Ainsi, je comprend que le film ait pu autant diviser les critiques à sa sortie.