Only God Forgives par Sophia
J'attendais Only God Forgives Us avec un peu d'impatience, parce que la Bande Annonce promettait une lumière à tomber, des cadrages plus léchés encore que Drive, et que ça semblait aussi furieux qu'un Tarantino vieille époque.
Arrive les premières images, et les premières interrogations. Alors oui, on a une image d'un sublime qui me donne envie d'élever le directeur de la photo au rang de dieu incontesté, parce que non seulement l'esthétique du film est redoutable, du choix des décors, à la composition des cadres jusqu'à cette lumière absolument sublime, et qui de plus, se permet de faire références aux cinéastes qui me parlent beaucoup en la matière, difficile de ne pas penser à Enter the Void de Gaspard Noé, de ne pas penser à l'univers de David Lynch époque Mulholland Drive dans sa manière d'allier l'esthétique aux troubles émotionnels, mais surtout à Suspiria et Inferno pour l'utilisation des couleurs qui ont rendu ces films célèbres. Autant d'allusions qui n'ont fait que conquérir mon petit coeur de cinéphile, il est vrai. Il y avait sans nul doute des références à de grands films asiatique mais ma culture en ce domaine étant moins prononcé je ne les ai pas vu.
Quand à la musique, bien que trop présente, par moment je trouvais que son utilisation était à l'instar de celle de Zach Snyder, presque clipesque, mais à d'autres, comme les séquences oniriques, il y a quelque chose de troublant, Nicolas Winding Refn utilse la musique à la manière d'un David Lynch, et les apparitions des rêves m'évoque la mise en scène de Polanski.
Il y a de quoi se réjouir, et même jouir d'une certaine manière, car il élève ses personnages au rang de héros pour le personnage du flic justicier et du frère autiste (c'est pas une moquerie, je pense réellement que le personnage de Ryan Gosling a une forme d'autisme), alors que les autres personnages sont en revanche dépend avec cynisme, et sa manière de traité ses personnages, en noir et blanc, avec peu de nuance, donne au film un traitement de western que la lenteur de certaines séquences ne vient que renforcer.
Et cependant, quelque chose m'échappe. Un truc qui m'a turlupiné pendant tout le film et encore après, c'est la thématique des mains, car il est clair et évident qu'il y a quelque chose là-dessous, et j'espère que c'est pas juste du fétichisme parce que ça serait grossier pour le coup, mais la question se pose, car les seuls plans pas très jolis sont ceux des mains qu'on montre, cachant sans nul doute une métaphore mais elle m'a échappé.
Et puis, il y a le fond. Car j'ai avant tout évoqué la forme pour le moment. Le fond? L'histoire est assez simple en somme, un américain aux penchant sadique et violent, tue une adolescente de 14ans de manière hyper violente. Le flic qui s'occupe de l'affaire, laisse le père de l'adolescente seule avec le suspect, évidemment ce dernier se fait tuer. Le jeu dangereux que mène ce flic va entrer en contradiction avec la volonté vengeresse d'une mère oedipienne qui entretient des rapports étranges avec son fils restant, un jeune homme étrange, peu bavard, qui semble avoir du mal à s'exprimer normalement (d'où ma théorie sur l'autisme de ce personnage). Elle exigera de lui une vengeance qu'il ne désire donner.
L'histoire est somme toute banale et Nicolas n'offre vraiment pas un film de vengeance. Il tente de nous le faire croire, mais non. En réalité, ça parle d'une famille vraiment pas ordinaire, d'une femme qui use de la cruauté pour obtenir ce qu'elle désire, mais aussi d'un jeune homme soumis à un oedipe qui se rêve en héros alors qu'il n'est qu'un mec paumé maltraité par sa mère. De l'autre côté on a ce super flic, sorte de fantasme de justicier qui n'est pas à un seul moment crédible, mais à bien y réfléchir ce film de n'est pas du tout. On a du mal à croire que le crétin qui se fait tuer au début puisse gérer un réseau aussi puissant de trafique de drogue, surtout s'il est aidé par un frère autiste qui semble n'avoir pour seul talent de tenir sa langue. L'ennui, c'est que les personnages de la famille américaine sont détestable à souhait, on peut avoir un peu de pitié pour le personnage de Ryan, mais il n'est certainement pas le héros qu'on aurait pu attendre (j'aime beaucoup la scène de boxe où le réalisateur semble nous dire, "as-tu vraiment cru qu'on allait faire Drive 2?") et sa mère est tout simplement abominable. Quand au flic, surréaliste, on ne peut s'y attacher.
Reste et demeure une question, peut-on être dans un film, et l'aimer si aucun des personnages ne nous permet d'avoir de l'empathie pour lui? Personnellement je ne pense pas. Et la vérité c'est que au-delà de la beauté plastique du film qui m'a vraiment fait très plaisir, et de deux scènes vraiment excellente, celle du club où le rouquin barbu fait face au super flic vengeur, et celle de l'attaque du café, on a vraiment la sensation que Nicolas Winding Refn s'est fait un kiff, ce film est purement et simplement le fantasme d'un cinéphile et d'un réalisateur, l'ennui c'est qu'il lui manque de la consistance et malgré quelques traits de génie épar, la sauce ne prend pas. On sort de là évidemment déçu, avec le sentiment qu'on aurait pu avoir un vrai chef d'oeuvre et qu'on se retrouve avec finalement pas grand chose.