Only God Forgives But The Viewer Loves
C'est un peu une tache ce Refn. Je parle du film, pas du réalisateur. Je ne parle pas d'une tache comme d'une erreur, je parle d'un film qui veut jouer sur plusieurs registres en même temps dont une ambiance un peu moite, biologique et sanguine. Et moi je voulais y croire, j'avais détesté le guerrier silencieux que j'avais trouvé abscon, fermé et donc trop élitiste et prétentieux, mais j'avais beaucoup aimé Bronson et ses multiples talents, Drive était filmé au poil près tout en bénéficiant d'une photo et d'une BO à tomber.
Donc je disais que je voulais y croire.
La bande annonce essaye de nous vendre un produit dans la lignée de Drive, esthétique avec des accès de violence. La bande annonce ment. Par ce que oui c'est esthétique, oui il y a des accès de violence (beaucoup plus fréquents cela dit) mais ce n'est en rien dans l'esprit de Drive.
Certes OGF a lui aussi un scénario tenant sur un timbre poste mais après tous ces éléments on pourra arrêter la comparaison. OGF c'est bien d'avantage une ambiance, une galerie de personnages (4 seulement ayant réellement de l'importance), tout ça dans une grande ville mais qui fonctionne comme un vase clos où se croisent nos protagonistes. On a donc Ryan G. qui joue un malfrat oscillant entre le sous humain un peu perturbé et l'intouchable automate; Kristin S. T. qui se veut mère tyrannique, abusive, protectrice et dérangée; Vithaya P. dont le rôle du policier est moteur du film et enfin Yayaying Rhatha Phongam qui jouera le témoin de la déchéance. Et tout ce petit monde se ballade dans des atmosphères travaillés, des couloirs propices aux travellings claustrophobes, des lumières rouges ou bleutées.
Pour moi on a une sorte de mixe entre Le guerrier silencieux et Drive, un trip visuel et presque mystique, gâché finalement par un manque de développement, une interprétation parfois un peu inégale (Kristin S. T. étant tour à tour fabuleuse et simplement moyenne) de rôles qui auraient largement pu être étoffés (notamment celui de la prostituée). C'est dommage, c'est parfois un peu lourd (faute de temps ?) et parfois plein de scènes fantastiques. Il y a de tout et je crois qu'il faut accepter certains faits, certaines idées pour ne pas se laisser freiner et apprécier avec simplicité. Si vous voulez tout savoir j'ai même un peu envie de le revoir.
Les lumières se rallument et tout est vu c'est alors que les commentaires fusent autour de moi. Étant seul pour une fois je ne fais pas partie de ces gens qui échangent inter-groupe avec vigueur et je me fais donc un peu plus attentif :
" De la merde.
- Ah tu trouves ?
- Oui mais tu vois je m'y attendais alors ça ne ne me fait ni chaud ni froid, je pensais que ce serait une merde et c'est une merde. Dire qu'on essaye encore de nous avoir avec ce genre de films vains qui ne reposent que sur l'esthétique.
- Ah oui. C'etait de la merde."
"- Alalalala ce passage où il lui explose le verre dans la figure !
- Enorme !
- Franchement je me suis fait un peu chié, heureusement qu'il y avait des passages un peu plus violents
- Oh et puis la scène de boxe ..."
"- De la grosse merde
- ...
- Me regarde pas comme ça, je sais bien que toi aussi t'es déçu
- ...
- Non par ce que là tu vois Refn, il cachetonne à mort, on voit bien qu'il y a rien de lui dans ce film, c'est sur-esthétisé, c'est vide, il y a repris Gosling par ce que c'est commercial après Drive, il a juste un bon directeur photo et sinon pas de scénario, le scénario c'est de la merde."
Pour tout avouer moi ça m'a choqué ces petits commentaires, j'ai trouvé ça dommage qu'on soit aussi catégorique malgré tous ses points positifs. Alors bon moi je suis pas Kenshin donc normalement je m'arrête là mais comme après j'ai discuté avec un des petits groupes pour avoir des justifications quant à leur désintérêt du film, je vais vous raconter ça.
Donc je m'approche de cet homme et de sa compagne, lui a environ 32 ans, une barbe de 3 jours et des grands mouvements de bras, elle a le visage fermé, l'air mutique et fatigué. Il m'explique alors que le film n'est pas mauvais en soit mais qu'il n'a aucun intérêt, que c'est uniquement de la repompe de Kubrick et Murnau avec un scénario sans intérêt. Il me dit que lui il voit beaucoup de films, que lui il connaît bien le cinéma, que lui il se laisse pas avoir. Moi je me dis surtout que ce serait bien d'éviter d'avoir un jour la tête aussi enflée que ce bonhomme. Après il me dit qu'il se sent heureux quand lors d'une séance la moitié de la salle part avant la fin du film, moi je lui ai dit que ça me rendait plutôt triste. Après il a comparé le cinéma a de la cuisine pour ensuite me confier que lui il détestait le McDo. Moi qui aime bien la cuisine et trouve que c'est par essence un art du partage et de la convivialité et du plaisir, je me suis dit qu'on irait pas au resto ensemble avant un moment. Ce fut une conversation intéressante, surtout quand il ne la monopolisa pas.
Sinon moi j'ai été sous le charme de ce Only God Forgives, malgré ses quelques défauts. Je pense qu'il vaut le détour même s'il vaut mieux savoir à quoi s'en tenir.